Exposition Soulages à Nice : du noir vient sa lumière
Le plus admiré des artistes français vivants, qui vient d’avoir cent ans, est fêté par une exposition à l’espace Lympia, dans l’ancien bagne du port de Nice. Plus de cent oeuvres en font un événement
Le Louvre célèbre jusqu’en avril le centenaire de Pierre Soulages. Tandis que Rodez, ville natale de l’artiste, s’enorgueillit d’avoir attiré dans son musée dédié quelque 136 000 visiteurs en 2019. Sans les donations de l’intéressé, la capitale de l’Aveyron n’aurait jamais réuni pareil fonds. Deux tableaux, adjugés à New York et Paris, se sont récemment envolés à près de 10 millions d’euros. Double record pour un artiste français vivant dont la cote, depuis longtemps, tutoie les étoiles. Ce qui, ajouté à la frilosité de collections publiques et privées rechignant à se séparer, même temporairement, d’un Outrenoir, fait de tout projet de rétrospective une mission quasiment impossible.
Il convient donc de saluer la performance de l’Azuréen Gérard Bosio, commissaire de l’exposition que le conseil départemental des AlpesMaritimes présente entre les murs de l’ancien bagne de Nice, sur le port. Toute la lumière de Soulages s’y affranchit des contraintes de cette longue travée de pierre, austère, massive, plongée dans la pénombre. Ce parcours linéaire est également chronologique, depuis les huiles et acryliques – vingt-huit au total, un exploit - jusqu’aux encres, lavis de brou de noix, estampes, gravures et livres illustrés. Dont le plus précieux, autour d’élégies composées par Léopold Sédar Senghor, a suscité chez le chantre de la négritude cette définition de la peinture de Soulages que tout créateur pourrait lui jalouser : «C ’est le témoignage d’un homme en faveur de l’homme. »
Quand Senghor appelait de ses voeux une civilisation universelle, Pierre Soulages, en 1974 à Dakar, posait la première pierre d’un dialogue entre les cultures. L’espace Lympia en est un témoignage, où se révèlent des correspondances avec une idole du Mexique, un masque Dogon ou une statue-menhir anthropomorphe érigée à la fin du Néolithique. S’y dessine aussi une connivence flagrante avec une encre et lavis de Victor Hugo, pièce minuscule, fascinante. Que viennent opportunément compléter Picasso, Hartung, Vieira da Silva et Yves Klein, que Soulages a toujours attentivement regardés et parfois fréquentés. « La carrière d’artiste est un marathon, la vie de Pierre nous le prouve », écrit Bernar Venet. Entre Sète et Paris, cette carrière et cette vie se confondent dans la concentration d’un atelier. Parmi les oeuvres rassemblées au Louvre, trois grands formats ont été peints au cours des derniers mois.
Pierre Soulages, la puissance créatrice. Du 8 février au 19 avril. Espace Lympia, 2 Quai d’Entrecasteaux, à Nice. Du jeudi au dimanche, de 10 h 30 à 17 h. Le mercredi, de 14 h à 17 h. Entrée libre. Tél. 04.89.04.53.10.