Pour l’honneur du blason
Hier, des combattants médiévaux se sont affrontés pour défendre leur bannière et leur honneur. Objectif du tournoi : gagner le Buhurt Prime, le top niveau du béhourd, un sport de combat
Un air de cornemuse joué par des villageois édentés se fait entendre à l’entrée du chapiteau de Fontvieille. À deux pas, un forgeron rafistole une armure. Sous des tentes blanches, dans l’arrière-cour, des chevaliers au regard perçant enfilent casques, brigandines et moult protections pour protéger leur épaisse carcasse. Non, Monaco n’est pas le théâtre d’une énième saison de la série culte Game of Thrones. Non, Monaco n’a pas non plus replongé au Moyen-Âge, au temps où Malizia (1297) s’emparait par la ruse de la forteresse pour y établir la dynastie des Grimaldi. En réalité, la Principauté accueillait, hier pour la deuxième année consécutive, le Buhurt Prime. « Dans le milieu des combats médiévaux, cela équivaut à la Ligue des Champions », confie Édouard Eme, président de la Fédération nationale et internationale de béhourd. Bref, du lourd. D’où une préparation longue et minutieuse avant de pénétrer au coeur de la lice en bois. « On a près de 30 kg d’équipements sur le dos », souffle Gordon Berra, combattant pour Aquila Sequania, seule équipe française en course.
Certains coups interdits
Les huit « clans » qualifiés, venus du monde entier (1), n’étaient donc pas là pour faire de la figuration. Autant dire que ça a durement cogné sous le célèbre chapiteau monégasque. Pour défendre l’honneur du blason, d’un pays.
Tous les coups étaient permis pour ces férus de sports de combat, lesquels ont revêtu l’armure le temps d’un tournoi. Ou presque. « On ne peut pas étrangler, on n’a pas le droit de taper dans l’entrejambe, derrière les genoux et sur les pieds. Enfin les coups d’estocs, en piqué, sont interdits », rappelle le speaker, Ferxel Fourgon. Avant le grand saut dans une arène surchauffée, la présentation des équipes se fait en grande pompe. À l’américaine. Les baffles crachent un son surpuissant, le grand écran affiche les trombines des robustes combattants ainsi que leurs mensurations. De beaux bébés. Les arbitres, en costume noir et jaune, vérifient que les organes vitaux, le cou ou la nuque, soient bien protégés.
« Les équipes sont prêtes », entend-on retentir pour le début des quarts de finale. Cinq contre cinq, à la régulière. Les armures s’entrechoquent, produisent parfois des étincelles. Les coups d’épées, de fauchons, de hallebardes (non aiguisés !) pleuvent de tous les côtés. Le bouclier permet de limiter la casse (et les bleus du lendemain). « C’est un bon sport de bourrin », se marre un jeune adolescent dans le public. Oui, certes, mais pas que.
En dépit des apparences, la stratégie se veut prépondérante. Il y a celle de l’encerclement, du surnombre ou même de l’usure. Et certaines prises de combat s’avèrent particulièrement audacieuses pour faire vaciller les adversaires. Car l’objectif est simple : faire ployer le genou à l’ennemi. Le camp encore debout l’emporte. Les manches de cinq minutes vont rarement à leur terme, tant les combats sont acharnés.
Les Russes vainqueurs
Au terme des manches éliminatoires, c’est Bear Paw, les favoris russes du tournoi, qui rafle la victoire finale devant le prince Albert II et des spectateurs en fusion qui auront usé de la voix pour encourager ces chevaliers des temps modernes. Qui sait, les Grimaldi Milites, équipe monégasque de béhourd et premier du championnat de France, seront peut-être, l’année prochaine, dans les huit meilleures équipes du tournoi. Hier, en tout cas, ils ont combattu lors d’un affrontement d’exhibition face à leurs voisins italiens. À domicile. Et les chevaliers monégasques n’ont pas flanché devant leur souverain. Victoire nette et sans bavure.
(1) Russie, Ukraine, Mexique, France, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni…