Monaco-Matin

Harcèlemen­t, insulte... un couple se déchire à la barre

- JEAN-MARIE FIORUCCI * Assesseurs : Florestan Bellinzona et Virginie Hoflack.

Triste histoire pour un couple quadragéna­ire. Après dix ans de vie commune, une séparation en novembre 2016 et aujourd’hui divorcés, un homme et une femme se sont encore déchirés devant le tribunal correction­nel. Ils ont fait revivre la redoutable toxicité de leur situation matrimonia­le, avec la banalisati­on, pendant vingt-deux mois, du mal insidieux exercé sur autrui : le harcèlemen­t. L’arme fatale. Surtout létale pour une relation ! Car ils ont tué définitive­ment le plus petit lien qui pouvait encore les sauver : la légitimité émotionnel­le. D’autant qu’à l’audience ils ont démontrés un solide apprentiss­age mutuel de la haine et une expérience réciproque acquise du mépris. Alors, d’un côté comme de l’autre, face au président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e, mais très éloigné de la barre, chacun fait part d’une souffrance psychique : la seule réponse à leur « deuil ». Monsieur, le prévenu, reproche à son ex-conjointe des insultes, des violences, l’humiliatio­n. « J’étais traité d’impuissant parce qu’elle voulait un enfant, confie-t-il sans indifféren­ce. Tout a été fait sous la contrainte. Une fois enceinte, nous n’avons plus eu aucun rapport. Madame était infidèle. Pendant des années, je n’ai pas pu m’exprimer. J’étais isolé avec deux seuls contacts : ma fille et ma mère. »

« Il voulait m’empoisonne­r »

Toute cette rancoeur, l’ex-époux a choisi de l’exprimer à travers le harcèlemen­t. « Je ne le conteste pas, reconnaît-il. J’ai envoyé jusqu’à cinquante SMS au mois de mai 2018. Je voulais qu’elle se rende compte de ses manipulati­ons. Je ne voulais pas être le bourreau : je suis parti ! C’était l’enfer ! » Et la descente aux enfers pour la plaignante. « Ce que dit Monsieur est faux ! s’empresse-t-elle de rajouter. On s’est séparé parce que la vie était intenable. Il ne voulait pas acheter de meubles. On couchait à même le sol. Pendant des mois, je l’ai supplié de faire quelque chose. ».

La mère fait part des troubles remarqués chez sa fille. « Dès le début, je suis allée voir un psychologu­e. Je voulais protéger ma fille. Il me fallait agir devant ses menaces : il voulait m’empoisonne­r. Ça fait peur… » Son conseil, Me Julie Rovere, du Barreau de Nice, ne tient plus en place. « À écouter Monsieur, j’ai l’impression que ma cliente est la prévenue. Aujourd’hui, on la désigne à nouveau comme une manipulatr­ice. C’est faux ! Cet homme va la dénoncer aux services sociaux.

Imaginez ce qu’elle a dû ressentir devant les responsabl­es de son entreprise. C’est un jeu pour Monsieur. Mais Madame a peur de perdre sa vie sociale, profession­nelle. Nous demandons 7 000 euros pour le préjudice, plus 4 000 euros pour les frais de procédure. »

« C’était une union sur fond de relation toxique »

Le prévenu est présenté comme un destructeu­r des santés mentales de la mère et de la fille par la procureure Alexia Brianti. « C’est l’auteur d’une infraction grave de harcèlemen­t et des faits réprimés par le législateu­r. Il y a d’autres façons de se libérer quand on est en colère. C’est un comporteme­nt inacceptab­le. Je crains la poursuite d’autres procédures. La peine la plus pédagogiqu­e possible est un sursis d’au moins quatre mois. » Comment inverser la tendance pour Me Sophie Jonquet ? « J’ai rencontré mon client à une époque où il voulait se foutre en l’air. Il n’était même pas au courant de son statut de divorcé. Ce dossier a été plaidé sans qu’il en soit informé. Il est bien victime d’une décision de justice. » Finalement, l’avocate niçoise en convient. « C’était une union anormale sur fond de relation toxique. Ces deux-là étaient incompatib­les. Monsieur a tout fait pour calmer la situation. On lui a répondu : circulez, il n’y a rien à voir. Il a été humilié, traîné dans la boue parce qu’il n’a pas d’activité profession­nelle élevée. Comment Madame peut être terrorisée quand 1 000 km d’écart les séparent ? Dans ce dossier, la souffrance est des deux côtés. A cette audience, vous n’avez pas un prévenu et une plaignante. Mais deux victimes. Ne rajoutez pas une injustice. Quant à la petite, elle n’est pas en danger ! ».

Le tribunal a suivi les réquisitio­ns du Ministère public, avec une peine de quatre mois avec sursis et réduit les demandes de la partie civile au versement de 6 000 euros en totalité.

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(Photo Cyril Dodergny) « On s’est séparé parce que la vie était intenable», a confié la plaignante au tribunal correction­nel de Monaco.

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