Des propriétaires prêtent leurs terres aux paysans
Pour permettre à des agriculteurs de s’installer, ils mettent leurs terres à disposition. Grâce à l’initiative lancée par les Potagers de la Vésubie, 4 paysans ont remis des friches en culture
Dans le moyen et le haut pays niçois les restanques sont pour la plupart en friche. Pour qu’elles soient de nouveau cultivées, des citoyens ont eu une idée toute simple. Demander aux propriétaires de mettre leurs terres à disposition gratuitement. En 4 ans, 4 paysans ont été installés grâce à l’association Les potagers de la Vésubie. Reportage dans les vallées de la Vésubie et du Paillon.
« Les gens me disent souvent, ce n’est pas avec 4 potagers dans ta vallée que tu vas sauver le monde. Ils ont raison, mais en 4 ans, on a déjà sauvé l’équivalent de 3-4 hectares de terre. » Tout en parcourant une restanque plantée de tomates, courgettes, salades… avec vue sur la vallée de la Vésubie et le village de Lantosque, Hélène Martin revient sur le chemin parcouru depuis 4 ans.
Le déclic
« On est parti d’un constat : la plupart des terres autrefois agricoles sont en friche », rembobine-t-elle.
« Je me suis dit que c’était dommage de ne pas trouver de produits locaux, et donc de devoir acheter des légumes qui viennent d’ailleurs, alors qu’ici, il y a un potentiel agricole fabuleux. »
C’est en août 2015 que germe chez Hélène Martin, cadre en milieu hospitalier à Marseille, Gilles Passeron, propriétaire
‘‘ et Alain Regis, murailler, une idée toute simple. Demander aux propriétaires de prêter des terres pour pouvoir y installer des agriculteurs. Ces citoyens créent l’association Les potagers de la Vésubie pour relever le défi : regagner des terres agricoles. Le principe : les propriétaires mettent gratuitement à disposition de l’association des terrains, pour une durée minimum de dix ans.
« L’idée c’est aussi de stabiliser des familles dans la vallée et créer des circuits courts pour que les productions locales soient consommées localement. »
Co-fondateur de l’association, Gilles Passeron donne le coup d’envoi en prêtant de belles restanques, plein sud dans le quartier du Pivol au-dessus de Lantosque. Un appel aux propriétaires est lancé dans la vallée, relayé par Nice-Matin.
À Pélasque supérieur, Olivier Thaon, répond présent.
Originaire de la vallée, cet architecte qui habite à Lyon a hérité d’un vaste domaine où sont aujourd’hui installés deux maraîchers. « J’ai prêté 4 hectares, dont 2 sont actuellement en culture, avec toutes sortes de variétés de légumes. »
Cette production est vendue par les deux paysans, sur les marchés de Saint-Martin-Vésubie et de la vallée.
« L’association permet de construire une relation durable. Elle joue le rôle de tiers et d’arbitre dans nos relations avec les agriculteurs, ce qui est très rassurant, note l’architecte. Et puis ça évite la difficulté des baux ruraux qui sont rigides. On prête des parcelles pour une durée de 10 à 15 ans. Comme j’ai beaucoup de terrains à gérer, c’est même rassurant pour moi de m’engager sur 15 ans. »
Trois potagers à Lantosque et un à La Grave de Peille
Un peu plus bas, dans le quartier du Pivol, juste au-dessus du village, Hélène Martin pousse le portail en bois qui ouvre sur le potager de Pierre-Antoine. Cet ingénieur de 28 ans, s’est lancé cette année dans le maraîchage, grâce aux Potagers de la Vésubie. Elle nous fait découvrir son travail, les buttes de permaculture, les dernières tomates… Sur la parcelle en contrebas, Sébastien et Ambre cultivent eux aussi sur des terrains prêtés par Gilles Passeron.
Pour rencontrer le premier maraîcher installé par l’association, il faut mettre le cap vers une autre vallée, celle du Paillon. À une trentaine de kilomètres de Nice, à la Grave de Peille, Michael Gauci, 41 ans, termine sa deuxième saison de produc
Créer des circuits courts pour que les productions locales soient consommées localement”
tion (lire ci-contre).
Les difficultés rencontrées
« Quand on a créé Les potagers de la Vésubie, les institutions, collectivités… étaient assez sceptiques. En plus, je viens de Marseille, je travaille en milieu hospitalier, je ne suis pas agricultrice. Bref, j’avais tout faux, » sourit Hélène Martin.
De plus, si les propriétaires sont au rendezvous, l’association peine à trouver des agriculteurs. « On a eu un passage à vide. Puis, on a passé des annonces, pris des contacts avec Terre de Liens », note Hélène Martin. Et ça a redémarré en novembre 2018, avec 3 nouvelles installations.
Au fil des mois, celle qui se partage entre la cité phocéenne et Saint-Martin-Vésubie, où elle possède une résidence secondaire, a vu le discours changer. Des élus s’intéresser à cette initiative citoyenne.
« Quand on a eu des potagers en culture, des choses concrètes à leur montrer, ça a changé la donne », analyse-t-elle. Elle reconnaît des erreurs, liées à l’inexpérience.
« On a appris de nos erreurs, on se structure afin d’être moins amateurs. Désormais, pour les prochaines mises à disposition de terrains, on va passer par un appel à projets, rédiger un cahier des charges des droits et devoirs. » Par ailleurs, du côté des paysans, il s’agit de trouver un modèle économique viable. En zone de montagne, la saison de maraîchage est plus courte que sur le littoral. Ainsi, Pierre-Antoine, qui s’est installé à Lantosque, prévoit-il de se partager entre deux métiers. « Il est en formation et envisage une double activité : paysan et accompagnateur en montagne », explique Hélène Martin. C’est aussi le cas de Michaël Gauci. « Avec ma femme nous attendons un deuxième enfant, nous avons une famille à nourrir, il faut s’assurer d’un revenu suffisant. »
Et demain ?
« Une agricultrice originaire de la Drôme souhaite s’installer pour produire des herbes médicinales. » Elle devra passer par les nouvelles procédures mises en place par l’association.
Pour amplifier son action, l’association aimerait travailler avec les communes sur la base de prêts de terrains.
« La solution que nous développons dans la vallée de la Vésubie et dans le territoire du Paillon est une solution universelle. »
« Elle n’est pas attachée à une vallée en particulier, elle peut être dupliquée et ce serait bien qu’elle le soit ailleurs. C’est juste une question de mise en oeuvre. »