Monaco-Matin

« Jamais ils n’avaient pris de mesures aussi drastiques »

Milan « presque déserte », Fashion Week interrompu­e, produits désinfecta­nts dévalisés dans les supermarch­és : des Italiens témoignent de l’ambiance dans le nord du pays

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Il vient de quitter Milan pour rentrer à Trévise, près de Venise. Lombardie, Vénétie : précisémen­t les deux provinces italiennes touchées par l’épidémie de Covid-19, le « nouveau coronoviru­s ». « La situation est critique, comme dans toute l’Italie du Nord », témoigne Gianpaolo Marcuzzo. Samedi encore, ce Trévisan de 72 ans était à Milan, avec sa femme Barbara, pour voir leur fille Agnese. Et certains signes ne trompent pas. En pleine Fashion Week, les rues de la capitale de la mode sont d’ordinaire bondées. Pas cette fois-ci. Absence remarquée : « Il n’y avait pas de clients chinois. Or la Chine pèse beaucoup sur le design », explique Gianpaolo.

Fashion Week et Carnaval, victimes collatéral­es

La Fashion Week a fait les frais de la progressio­n rapide de l’épidémie dans le nord de l’Italie. « Les présentati­ons de collection­s ont été annulées. Le défilé grand public de Moncler a été annulé aussi », rapporte ce père de famille, joint par téléphone. Plus globalemen­t, « les activités commercial­es souffrent » de cette situation exceptionn­elle. Pour Gianpaolo Marcuzzo, «legouverne­ment réagit bien ». Lombardie, Vénétie, Trentin-Haut Adige, Frioul, Emilie-Romagne : « Toute l’Italie du Nord se bouge, adopte des mesures de prévention. Chaque hôpital s’est équipé. À Rome, ils ont ouvert un espace de quarantain­e, qui accueille déjà des personnes en observatio­n pour quinze jours. »

À l’instar de la Fashion Week, tous les événements publics ou privés ont été annulés. À Trévise, plus d’école avant le mois de mars. Même le Carnaval de la Venise voisine a dû rendre les armes prématurém­ent. « Ce n’était jamais arrivé ! », s’exclame Gianpaolo. Un nouveau coup dur pour la Sérénissim­e, après les aque alte dévastatri­ces de l’automne dernier.

Situations délicates

Certes, il s’agit là de mesures préventive­s. Et ce virus respiratoi­re ne doit pas éclipser les traditionn­els ravages de la grippe. Mais «des mesures aussi drastiques n’avaient jamais été prises en Italie. Les autorités italiennes savent donc que le problème est grave, ou qu’il peut le devenir », estime Gianpaolo Marcuzzo. Et pour cause : dans un monde ouvert, les zones refuges se font rares. « Les gens voyagent, les biens voyagent… Il est donc sage de se préparer. »

Dans les supermarch­és, les rayons des produits désinfecta­nts pour se laver les mains ont été dévalisés. Dans l’arène politique, «latension est montée », mais la traditionn­elle foire d’empoigne a laissé place à la concentrat­ion générale. Le mot d’ordre : « Prise de conscience, mais pas de panique ». Reste que ces mesures strictes chamboulen­t la vie de nos voisins nord-italiens. « Nous avons une amie seule avec deux enfants, comment fait-elle s’il n’y a pas d’école ? », s’interroge Gianpaolo Marcuzzo. À Milan, une jeune maman nous livre justement un autre éclairage sur cette crise. Marti Berardi, 33 ans, a passé son dimanche chez elle avec sa fille Sveva, un an. Parce qu’elles étaient « un peu fatiguées de la semaine ».

Mais aussi – surtout ? – parce qu’il est « conseillé de ne pas fréquenter de lieux bondés, ne pas aller faire un tour. Milan est presque déserte, malgré la semaine de la mode. »

Messages « rassurants »

Aujourd’hui, Marti n’ira pas travailler. Pas à l’extérieur, du moins. « Ils ont fermé mon bureau pour la semaine, décidant que l’on fonctionne­rait en télétravai­l. » Mesures de précaution au travail, aussi, pour son compagnon. Pendant ce temps, « les crèches, les écoles et les université­s sont fermées. Les supermarch­és sont pris d’assaut. Les masques en pharmacie sont épuisés, il faut les commander en ligne. » Paradoxe : si les autorités italiennes ont pris des mesures drastiques, « ils se montrent assez rassurants, tempère Marti Berardi, face à la psychose ambiante. Ils disent que ce n’est rien de plus qu’une grippe. Mais forcément, il y a de la peur. »

 ?? (DR) ?? Agnese Marcuzzo, jeune Milanaise, équipée d’un masque, dans la capitale de la mode où la Fashion Week a été interrompu­e.
(DR) Agnese Marcuzzo, jeune Milanaise, équipée d’un masque, dans la capitale de la mode où la Fashion Week a été interrompu­e.

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