Le Sénat se penche sur la future «justice pour l’environnement»
L’urgence écologique gagne le terrain judiciaire : le projet de loi créant « une nouvelle justice pour l’environnement », avec la mise en place de juridictions spécialisées, va entamer demain au Sénat son parcours parlementaire, dans l’objectif d’une entrée en vigueur début 2021. La Haute Assemblée, à majorité de droite, se prononcera le 3 mars sur l’ensemble du texte relatif « au Parquet européen [lire ci-contre] et à la justice pénale spécialisée ». Le projet de loi ira ensuite à l’Assemblée nationale. La ministre de la Justice Nicole Belloubet ne devrait pas rencontrer de difficultés majeures au Sénat sur ce texte, malgré des réserves de la gauche. Les sénateurs l’ont adopté en commission avec seulement 16 amendements, tous du rapporteur Philippe Bonnecarrère (centriste), apportant des modifications à la marge.
Magistrats dédiés
Le volet le plus emblématique vise à améliorer la réponse judiciaire aux atteintes à l’environnement, aujourd’hui peu poursuivies, et avec des peines souvent assez faibles.
Le texte prévoit la création dans chacune des 36 cours d’appel d’une juridiction spécialisée, avec des magistrats dédiés, pour s’occuper des atteintes telles que la pollution des sols ou les infractions à la réglementation des espèces protégées.
Les dossiers les plus simples (décharges sauvages, infractions aux permis de pêche ou chasse) continueront à être traités par les tribunaux de proximité, tandis que les plus graves, comme l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, par les deux pôles interrégionaux spécialisés de Paris et Marseille. En réponse aux inquiétudes quant à la question des moyens soulevée par des organisations écologiques, Mme Belloubet assure que l’augmentation prévue du budget de la Justice permettra de financer les créations de postes nécessaires.
Une procédure plus rapide
Le projet prévoit également la mise en place d’une nouvelle « réponse judiciaire », la « convention judiciaire écologique », une forme de transaction, comme le plaidercoupable, notamment pour les entreprises reconnaissant leur responsabilité.
« C’est à la fois une sanction, une mise en conformité et une réparation, c’est beaucoup plus rapide qu’une procédure pénale », plaide Mme Belloubet. Il ne s’agira ni « d’une justice au rabais » ,nid’ «une justice rendue en catimini »,
Le second volet important du texte concerne un tout autre sujet : il vise à adapter la procédure pénale française à la nouvelle autorité judiciaire qu’est le Parquet européen.
Il sera mis en place en novembre et siégera à Luxembourg. Son rôle est d’enquêter et de poursuivre les fraudes au budget de l’Union européenne et autres infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE (escroqueries à la TVA, corruption, détournement de fonds publics…).
Le projet de loi modifie en conséquence les codes de procédure pénale, de l’organisation judiciaire et des douanes.
assure-t-elle. Le Syndicat de la magistrature craint cependant que cette mesure «ne soit pas dissuasive, et que les pollueurs gagnent le rapport de force qui ne manquera pas de s’installer avec les parquets ». « On ne sait pas réparer l’irréparable », souligne le patron de Greenpeace France, Jean-François Julliard.