Ce que cache le -
Pour la e fois depuis , les débats vont s’enflammer autour du fameux article - de la Constitution si le gouvernement décide d’y recourir pour mettre un terme aux débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi instituant un système universel de retraite, croulant sous le poids des amendements déposés par l’opposition, en particulier par les élus de La France Insoumise. Au train où vont les choses, il ne faudrait pas moins de quatre mois pour en finir avec l’examen du texte par les députés. Autant dire une énorme contrainte pour un gouvernement et un Président pressés d’engager d’autres réformes. Pour écourter les débats et imposer un texte sans débat ni le moindre risque
(même si l’opposition dépose une motion de censure, elle est vouée à l’échec faute de majorité), le - est l’arme absolue. Si son usage alimente les polémiques, il est néanmoins légitime. Le gouvernement se justifiera en dénonçant l’obstruction, bien réelle, de l’opposition qui, elle, s’indignera de ce court-circuitage du Parlement. En vérité, au-delà de ces querelles pavloviennes, le recours au - est surtout révélateur de l’état du pays. Car le bazar parlementaire autour de cette réforme fait écho au malaise social qu’elle a soulevé. Cette situation est née d’un projet certes annoncé pendant la campagne présidentielle, mais qui s’est avéré mal ficelé, comme l’a constaté le Conseil d’Etat en janvier dernier. Il souffre d’un défaut d’origine : il mélange un problème général majeur – l’avenir du système de retraites – et une question spécifique – le devenir des régimes spéciaux. En voulant tout traiter, le pouvoir a tout obscurci. Sa démarche est devenue illisible et a conduit l’opposition au pire avec ce tsunami d’amendements.
Ainsi, sur un sujet central, le débat se caricature. D’une part, un gouvernement authentiquement réformiste mais, comme l’explique si bien le philosophe Marcel Gauchet, qui ne sait pas se donner les moyens de son ambition avec un texte confus, produit par une technocratie certes compétente mais peu soucieuse de la réalité sociale et des attentes du pays sur les questions fondamentales du vieillissement et de la santé. D’autre part, une opposition d’extrême gauche radicalisée, défendant des acquis qu’elle exalte sans, au fond, s’intéresser à l’avenir. Entre les deux, rien ou presque, c’est-à-dire aucune offre politique alternative sérieuse de droite ou de gauche. Bref, sur un dossier aussi complexe que l’avenir des retraites, comme sur bien d’autres sujets
– la justice, la police, la santé, l’école, etc. – nous sommes dans une impasse inédite et préoccupante. En effet, c’est la démocratie elle-même qui souffre lorsque le système politique ne parvient plus à répondre aux questions essentielles qui minent le pays.