En Chine, le vert passe au rouge en cas de contamination
Paul et Laureline, deux Azuréens expatriés en Chine, n’ont aucun problème avec cette traque numérique anti Covid : « Son seul but est d’éviter les risques de réplique qui nous angoissent »
Le feu numérique est vert pour Laureline. Sur son smartphone, elle exhibe le QR code vert qui, ici, fait office de laissez-passer sanitaire. En Chine, depuis trois semaines, chacun doit se plier à cette « loi digitale ». Enseignante de français dans la très cotée University of science and technology de Hefei, Laureline n’a pas d’état d’âme sur les risques d’atteinte à sa liberté publique. D’autant moins sans doute qu’après son congé en France, cette Azuréenne de 37 ans est rentrée le 17 février à Hefei en pleine crise épidémique : « Je vis à une heure de Wuhan. Si dans la ville ou j’habite, la catastrophe sanitaire a été contenue, on était à bout touchant du cluster principal ! »
Un feu rouge numérique
Aussi, lorsqu’il a fallu, comme tout le monde, entrer ses informations personnelles sur l’appli Alipay – plateforme gouvernementale de paiement en ligne -, elle n’a pas hésité une seconde : « En fait personne n’avait vraiment le choix. Quant à tricher sur son état de santé, ce n’est même pas une option : on a été testé, les malades sont strictement confinés et quand tu sors les prises de température sont systématiques. De toute façon, sans passer par cette appli, tu ne peux pas quitter ton domicile. » Le laisser-passer est donc vert pour elle. QR code de l’espérance : « Cela garantit que l’on n’a pas été infecté et qu’on est sain ». En revanche, les personnes infectées, même guéries, se voient octroyer un code orange qui limite leurs déplacements. Les malades avérés, eux, sont en rouge. Même à Shanghai ou, pourtant, la pandémie fut endiguée très rapidement, Paul Gardette, designer de 22 ans originaire de Saint-JeanCap-Ferrat, se plie à la règle : « C’est beaucoup moins tendu ici que dans la province de Wuhan, mais tu as intérêt à avoir ton smartphone sur toi quand tu te balades. Finalement, c’est assez rassurant »
Une appli anti réplique épidémique
La contrainte est pourtant réelle. Mais acceptée par tous. « Le principe est actif depuis trois semaines. Il a été mis en place par le gouvernement pour éviter les répliques. Cela permet de sortir de la période dure du confinement sans prendre le risque que, comme un feu de broussailles mal éteint, l’incendie sanitaire reparte de plus belle. » Peu à peu en effet à Hefei, la vie reprend un cours presque normal.
Les commerces de proximité ont tous rouvert. Depuis quelques jours, les grands centres commerciaux, de type mall, aussi. Mais seuls les personnes qui ont un QR Code vert, y ont accès. «Situoutrepasses la règle, tu risques gros. Ici, personne ne s’y essaye. Question de mentalité, mais aussi de sens civique : au risque de chaos, le peuple chinois préfère largement ses contraintes sécuritaires. Ici on se dit que si le gouvernement l’impose, c’est qu’il agit pour leur bien. » Accepté de gré par la majorité des Chinois, ce traking leur est toutefois déjà imposé de fait, et toujours via l’appli Alipay : « La traque des comportements sociaux est déjà une réalité ici. Avec Alipay, on ne peut rien cacher aux autorités. » Rien de neuf donc dans l’empire du milieu déjà sous le joug de tous les big brothers digitaux ? «On peut toujours gloser sur le sujet, mais que dire de l’inconscience alors de certains en France qui sortaient en arguant de leur liberté chérie au risque de contaminer tout le monde, s’emporte Laureline. Ou encore de ce premier tour des municipales maintenu ! Quelle folie. Je ne suis pas sûr que l’arrogance française vis-à-vis de la Chine soit aujourd’hui vraiment de mise ».