Monaco-Matin

Pape Diouf et le pompier à la main blessée

- PHILIPPE CAMPS

Dimanche 29 octobre 2016 : le Gym bat l’OM (2-1), sur le fil, grâce à un penalty signé Ederson lors de la 11e journée de championna­t. Mais le Ray n’a pas le coeur à la fête. Personne n’a oublié l’incident dont a été victime un pompier volontaire juste avant le coup d’envoi. Anthony Roko, 20 ans, a été grièvement blessé à la main droite par l’explosion d’une bombe agricole lancée par un supporter marseillai­s. Dans le vestiaire des visiteurs, Pape Diouf est sous le choc. «Jememoque de la défaite. Ce soir, je ne pense qu’à ce jeune pompier qui risque de perdre sa main. Ce n’est pas ça le football ! », lâche le président de l’OM. Ceux qui le connaissen­t savent que le grand Pape est sincère. Touché. Et qu’il n’en restera pas là. Trois jours après, escorté de Robert Louis-Dreyfus, le propriétai­re du club marseillai­s, Pape Diouf arrive à la clinique Saint-George. Les journalist­es et les photograph­es sont priés d’attendre dehors. On n’est pas dans un plan com’. Les dirigeants de l’OM sont à Nice pour voir et soutenir Anthony Roko.

« Pape était quelqu’un de profondéme­nt humain. Il était peiné pour Anthony », raconte Maurice Cohen, président du Gym à cette époque, qui avait accompagné ses homologues marseillai­s dans la chambre du pompier. Quatorze ans après, Anthony Roko n’a rien oublié : « Je me souviens de la scène comme si c’était hier. Robert Louis-Dreyfus et Pape Diouf m’avaient dit qu’ils seraient toujours là pour moi. Ils ont tenu parole. Certes, je n’ai pas eu besoin de beaucoup les solliciter parce que j’ai pu réaliser mon rêve et devenir pompier profession­nel, mais je suis resté très longtemps en contact avec Monsieur Diouf. Un homme qui m’a marqué. Un homme de coeur. Il m’envoyait très souvent des messages. C’est lui qui m’a invité au

Vélodrome. Deux fois pour assister à OM-Nice bien sûr, et une dernière fois pour voir un match de Ligue des champions Marseille-Liverpool. Là-bas, j’ai pu rencontrer Michel Hidalgo, un autre grand Monsieur. Vous savez, je suis un grand supporter du Gym, abonné à l’Allianz Riviera, mais ces derniers jours, j’ai été très affecté par les disparitio­ns de Michel Hidalgo et Pape Diouf. »

Hier, Anthony Roko était triste. Comme Maurice Cohen, marqué à jamais par ce personnage hors norme, intelligen­t, cultivé et si attachant qu’était Pape Diouf : « On siégeait ensemble à la Ligue nationale de football. J’ai tout de suite eu un super feeling avec lui. Nos relations étaient bonnes, saines. Nous avons fait quelques tractation­s tous les deux, dont celle de Baky Koné, que Pape voulait absolument sous le maillot de l’OM. Il avait fait un chèque de 10 millions pour l’avoir. On a été débarqué de la présidence la même année : en 2009. Pape était un mec bien. Il dégageait une énergie terrible. L’annonce de sa mort m’a fait l’effet d’un coup de poing. Depuis je suis un peu KO...» Comme beaucoup d’entre nous.

« Il faut parler de Pape Diouf, il faut lui rendre hommage », souffle Anthony Roko. Aujourd’hui, celui-ci a 34 ans. Sa main droite a quelques cicatrices en plus et deux phalanges en moins. Il a une compagne, deux enfants, une vie bien remplie. Il est pompier profession­nel à la caserne Fodéré à Nice. Il aime toujours le foot et le Gym. La date du 29 octobre 2006 ne lui fait plus mal. Elle est au fond de lui, comme le souvenir de Pape Diouf.

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Robert Louis-Dreyfus, Maurice Cohen et Pape Diouf à la clinique St-George. (Photo R. Ray)

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