Florent, infirmier en réa : « Une fraternité nous lie »
Florent, 27 ans, exerce depuis 6 ans dans le service de réanimation médicale de l’Archet 1 à Il raconte ses trois semaines sur le front, les tensions, les sourires, la solidarité entre les équipes
Les équipes de réanimation avec lesquelles Florent, 27 ans, partage depuis six ans son quotidien, c’est un peu sa famille. Au sens propre, comme au figuré. C’est en effet dans ce service qu’il a rencontré Julie, aide-soignante, la maman de sa petite fille, et qui porte aujourd’hui son deuxième enfant.
Une histoire d’amour et de vie entre les murs d’un service pas tout à fait comme les autres. Un service habitué à accueillir des patients de tous âges, retenus à la vie par des machines. Et par la veille sans relâche d’équipes mobilisées 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 autour d’eux.
Sans relâche
Une atmosphère singulière, à la fois grave, solidaire et souriante pour défier ensemble des situations médicalement complexes, humainement dramatiques. «Ilya une très grande fraternité entre nous, soignants, aides-soignants. Et nous avons un
‘‘ accès facilité à nos médecins. Les chefs sont des professeurs universitaires, mais il n’y a pas de distance entre nous, on fait corps. » Cela fait près de trois semaines que Florent travaille sans relâche. Il enchaîne les nuits et les jours – les soignants font 12 heures d’affilée. Mais il précise aussitôt : « C’est moi qui me suis porté volontaire. » Florent est un passionné, au service des autres. Et les quelques jours de repos qu’il s’est accordé au cours des trois dernières semaines, il les a dédiés à son autre activité ; il est pompier volontaire.
« Une chaîne très performante »
L’infirmier réanimateur se réjouit de voir, en ces temps si difficiles, la solidarité s’exercer entre services, mais aussi entre établissements. « Une des périodes les plus difficiles a correspondu au stade 1 de l’épidémie. Nous accueillions alors dans le service tous les patients souffrant de détresse respiratoire et fébriles, le temps que les tests confirment – ou pas – un diagnostic de Covid. Et lorsque le doute était levé sur ces cas suspects, on les adressait à d’autres services de réanimation, pour laisser libres les places pour des patients Covid. Là, s’est mise en place une chaîne très performante, mais, pour les équipes, ce turn-over a été une véritable épreuve. »
Un malade qui quitte un lit, un autre qui est accueilli, c’est, dans ce service qui n’accueille que des patients dans un état critique, souffrant souvent de défaillances multiviscérales, de nombreux actes complexes, très techniques. Et qui nécessitent une solide formation. « Ce que l’on fait aujourd’hui, ce n’est pas bien différent de ce que l’on fait toute l’année, à la différence près que c’est plus lourd à cause des contraintes d’habillage… Et aussi du risque. »
La peur de la contamination, Florent ne nie pas l’éprouver, comme l’ensemble de ses collègues. « Même si on prend d’énormes précautions, on craint tous pour nos familles, nos enfants ; ma fille a un an, ma femme est enceinte de sept mois, je sais qu’elle est vulnérable… » A ce jour, aucun des professionnels de santé exerçant dans cette unité en première ligne depuis le début de l’épidémie, n’a été contaminé. « Nous sommes extrêmement attentifs, sachant que la moindre erreur, en termes d’hygiène, peut avoir des effets délétères majeurs sur les équipes. »
« Les lits ne restent jamais vides »
S’il affirme avoir habituellement la dent dure vis-à-vis de la direction, Florent reconnaît volontiers que « son CHU » a très bien géré la crise, en allouant notamment les ressources en personnel suffisantes pour pallier la surcharge de travail liée notamment au protocole d’habillage. Et au devoir de formation des renforts par les personnels les plus aguerris, comme lui. « Certains infirmiers qui nous ont rejoints n’avaient pas exercé dans ce type de service depuis des années, ou jamais utilisé des respirateurs… Il faut pendant ces périodes de formation doubler les équipes. Mais, on est contents de notre travail. On a des super bons résultats.
« Un patient a quitté le service avanthier, il était toujours intubé mais allait mieux, deux autres sont partis hier ; ils ne sont plus sous assistance respiratoire. On a même pu échanger avec deux d’entre eux ! » Des moments forts que l’équipe partage avec ceux qu’elle a accompagnés pendant des semaines. Des moments sensibles aussi, parce que l’histoire n’est pas finie pour ceux qui quittent le service, emportant dans leurs besaces des séquelles physiques mais aussi psychiques.
Mais pas le temps pour les soignants de se poser. Il faut accueillir au plus vite les nouveaux malades en état grave qui leur sont adressés.
Ce que l’on fait aujourd’hui n’est pas différent de ce que l’on fait toute l’année”
‘‘
On est très contents de voir des patients quitter le service ”