Monaco-Matin

À Nice, les restaurate­urs jonglent la boule au ventre

Les 5 600 restaurant­s ou cafés de la Côte vivent le confinemen­t dans l’angoisse mais aussi l’incertitud­e économique. « La majorité risque de ne pas y survivre », confie l’un d’entre eux

- JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD jfroubaud@nicematin.fr

La majorité des restaurant­s de la Côte risque de ne pas y survivre ! » Boulevard Jean-Jaurès, à Nice, il s’est mis aux fourneaux. La brasserie Félix Faure est fermée. Comme les 5 600 restaurant­s ou café de la Côte, depuis le weekend d’avant l’annonce du confinemen­t. Fred Ghintran, 41 ans, a dû mettre l’essentiel de son staff en chômage partiel et remercier les 30 CDD qu’il avait recrutés pour préparer la saison estivale.

Dans l’après

Le temps de l’angoisse, il le tue en se projetant dans l’après : « Si je ne trouve pas un exutoire, je tourne en boucle autour de toutes les incertitud­es économique­s qui, en plus de la crainte sanitaire, nous ébranlent. Du coup, j’essaye de tester des nouveaux plats, d’améliorer les menus pour après ! » L’après, c’est tout à la fois l’espoir d’une sortie de crise mais aussi la plus grande terreur des restaurate­urs. Fred pourtant se sait privilégié. Le Félix qu’il a repris avec son frère il y a trois ans est « une belle affaire » .Un chiffre d’affaires qui tourne autour de 4 millions d’euros et les reins assez solides en termes de trésorerie pour faire face du moins sur le court terme.

« Tout près de s’échouer »

Et puis, il y a parfois aussi la solidarité. La holding familiale propriétai­re de murs de cette brasserie de 850 m2, l’a spontanéme­nt exonéré du paiement de son loyer. 7 000 euros d’économie ! Tout le monde n’est cependant pas logé à la même enseigne et n’a pas la surface financière susceptibl­e d’éviter un « crash down ».

« On est tout près de s’échouer », confirme le fondateur de la chaîne niçoise SuperLobst­er. La trentaine en mode start-up, Grégory Di Carlo a ouvert en quelques années deux sites : à

Cap 3000, dans le food court de l’ancienne Gare du Sud à Nice : « On jongle. La boule au ventre. On accueille avec soulagemen­t les mesures du gouverneme­nt, mais ça ne suffira sans doute pas. Ce mois-ci, pour pouvoir continuer de payer mon staff de 20 personnes, j’ai dû faire un emprunt de 20 000 euros. Je sais, l’État va me rembourser, mais si ça dure ? Ne serait-ce qu’un mois de plus ? On reporte des charges OK, mais on va s’endetter sur trois ans. Et comment on les paiera puisqu’on n’a aucune rentrée de cash et que souvent, on est tous sur le fil même en temps normal. Ce sursis risque de n’être, pour beaucoup d’entre nous, qu’un simple sursis ! »

 heures pour fermer

Pas le moral. C’est un euphémisme. Le tout début du confinemen­t avait déjà planté le décor pour les restaurate­urs. La question des stocks périssable­s fut alors un très mauvais signe. À proximité de l’hôpital Pasteur de Nice, Stéphane Morjane, le patron de la Brasserie 65, ne l’a toujours pas vraiment digéré : «Onaeu ce samedi-là, quatre heures pour fermer. Pour rappel quand même, ceux qui décrétaien­t le confinemen­t immédiat, appelaient des millions de Français à aller voter le lendemain. Mais peu importe. Pour nous, ce sont de milliers d’euros de stock qu’on a perdu. » Fred au Félix Faure parle, lui, de « 15 000 euros de marchandis­es» , et histoire qu’on ne mette pas en doute sa bonne foi exhibe un constat d’huissier.

Les assurances dans la ligne de mire

Jeter, il n’en était pas question. Grégory de SuperLobst­er a partagé ces denrées périssable­s avec ses employés et en a donné la moitié au Secours Populaire. Mais s’il n’y avait que cela. Ni populisme, ni recherche bouc émissaire pourtant. « Les assurances ? Elles ne veulent ni couvrir la perte des stocks, ni le déficit d’exploitati­on. Je peux comprendre, tant cela se chiffrerai­t en milliards d’euros. Mais même le strict minimum, elles ne le font pas. Nos charges fixes, les loyers, les fluides et nos stocks, elles pourraient faire cet effort-là, non ? » Malgré leur mobilisati­on, les dizaines de groupes Facebook ou de pétitions qu’ils ont lancés, les restaurate­urs ne voit rien venir. « Comme on sait qu’un déconfinem­ent même progressif ne nous concernera pas, on peut craindre vraiment le pire pour nos entreprise­s ! »

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(DR) Ci-dessus, Fred, du Félix Faure. En bas à gauche, Stéphane Morjane de la Brasserie 
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