Monaco-Matin

Le directeur du Tour et le maire de Nice s’expriment

Eglises fermées, offices et messes suspendus… Le confinemen­t bouleverse les habitudes des croyants. Pour l’historien des religions, cette situation inédite les oblige à se tourner vers d’autres formes de communion

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE-SOPHIE DOUET (Agence locale de presse)

Confinemen­t oblige, les croyants ne peuvent plus vivre leur foi en communauté. Y a-t-il eu des précédents ?

Non, c’est tout à fait inédit. Même pendant la Première Guerre mondiale, on n’a pas fermé les églises en France quand les obus tombaient. Lors de la Grande Peste, au XIVe siècle, non plus, par méconnaiss­ance des modes de transmissi­on. On peut dire qu’avec l’Education nationale, qui n’a jamais, avant la crise que nous traversons, dû annuler l’épreuve du bac en deux cents ans, pas même en , les religions vivent actuelleme­nt un moment tout à fait exceptionn­el.

Les mesures sanitaires et le confinemen­t auront-ils des répercussi­ons sur les finances des différents cultes ?

Bien sûr. Plus de quête, plus de cierges dans les églises, c’est un manque à gagner certain. Les paroisses et les diocèses les plus pauvres vont souffrir. On pense aussi à la tradition de charité du ramadan, qui sera évidemment mise à mal. Un an après l’incendie de Notre-Dame, monument le plus visité au monde aujourd’hui à reconstrui­re, d’autres lieux saints fermés pour raisons sanitaires vont aussi payer un lourd tribut : Lourdes, bien sûr, dont la fermeture du sanctuaire s’ajoute à celle des stations de ski, un coup très dur pour l’économie locale ; le Sacré-Coeur, à Paris, où se pressent dix millions de visiteurs chaque année, qui font vivre tout le quartier de Montmartre… La France est très touchée. Les religions peuvent être facteurs d’épidémie. Elles en sont aussi les victimes.

Comment s’adaptent les différente­s communauté­s à ces célébratio­ns sans rites ni prières communauta­ires ?

D’abord, il faut souligner que toutes respectent les règles de confinemen­t, à part quelques extrémiste­s qui voient dans cette pandémie une punition divine, l’expression de la colère de Dieu. Pour ce qui est de suivre les cultes, les croyants se sont tournés vers d’autres moyens. Catholique­s et protestant­s plébiscite­nt les émissions religieuse­s sur France  : le dimanche, Le Jour du Seigneur, qui permet de suivre une messe en direct célébrée depuis les studios du CFRT (Comité français de radiotélév­ision) à Paris, bat des records d’audience. La chaîne

KTO, qui diffuse des archives, tels des offices célébrés à Notre-Dame ou des sacres d’archevêque, les radios Notre-Dame et France Culture, qui diffusent la messe, permettent aussi de garder un lien avec le culte. Les autres religions ne sont pas en reste : sur YouTube et sur les réseaux sociaux, des initiative­s – offices en direct, prières collective­s virtuelles… – existent pour toutes les religions.

Plus de mariages ni de baptêmes. Les obsèques, elles-mêmes, sont réduites à leur plus simple expression…

Oui, et si les mariages et les baptêmes – ceux des adultes sont reportés à la Pentecôte – peuvent être décalés, ce n’est pas le cas pour les obsèques. Ne pas pouvoir effectuer de visite mortuaire, n’être pas plus de vingt personnes pour accompagne­r le défunt à sa sépulture, ce sont des choses difficiles à vivre pour les croyants comme pour les non-croyants. Il faut espérer que les cimetières auront rouvert à la Toussaint.

Si les religions souffrent de la crise sanitaire, certains rassemblem­ents de fidèles ont aussi participé à la propagatio­n du coronaviru­s…

En effet, c’est un sujet tabou, mais les rassemblem­ents religieux sont depuis toujours un des vecteurs des maladies. En France, il est établi que l’épidémie de Covid- est partie, dans le Grand-Est, d’un rassemblem­ent évangéliqu­e à

Mulhouse :   personnes ont eu des contacts rapprochés pendant une semaine, entraînant de nombreuses contaminat­ions. Un pasteur venu du Burkina-Faso a même rapporté le virus dans son pays à l’issue de ce séjour en France. Le petit pèlerinage de La Mecque, interrompu depuis, a exporté le coronaviru­s au Pakistan. La religion n’est pas la cause de la pandémie, mais il est évident que les rassemblem­ents ont joué un rôle dans la propagatio­n.

La suspension temporaire des cultes et prières collective­s peut-elle faire germer un autre rapport à la foi, qui revalorise la prière personnell­e ?

Il est, à ce jour, impossible de lire l’avenir. Comme pour ce qui relève des conséquenc­es économique­s, sociales et sanitaires de cette crise majeure, nous ne pouvons pas encore savoir ce qu’il en sera. Il faut faire preuve de la plus grande humilité à cet égard. Ce qui est sûr, c’est que, par nature, les religions ont foi en l’espérance. Elles ont ceci en commun : ne jamais être dans

‘‘ Les religions peuvent être facteurs d’épidémie. Elles en sont aussi les victimes”

‘‘ Quand tout va mal, la spirituali­té est nécessaire la foi peut être d’un grand secours”

le désespoir. Quand tout va mal, la spirituali­té est nécessaire, la foi peut être d’un grand secours. Après la Première Guerre mondiale, on a assisté à un record d’entrées au séminaire pour les garçons et dans les noviciats (les couvents) pour les filles. Incontesta­blement, les horreurs vécues, le nombre de morts ont, à ce moment, posé fortement la question du sens de la vie.

A lire : Les Religions dans le monde, Flammarion, collection « Champs », et Dieu et les religions, Albin Michel.

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(Photo d’archives François Vignola)
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(Photo AFP)

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