Obligation de réussite
Depuis la nuit des temps, tous les grands chocs dans l’Histoire – guerres et pandémies – sont les révélateurs des forces et des faiblesses de ceux qui les affrontent. Ainsi vivent et meurent les civilisations, comme l’a si brillamment expliqué le grand historien anglais Arnold Toynbee. L’épidémie de Covid- est un de ces moments singuliers pour les démocraties. La France est ainsi contrainte de se regarder elle-même et de constater qu’elle est entrée dans cette crise en état de désarmement sanitaire mais aussi de désarmement industriel pour l’affronter. La voici aussi menacée d’un désarmement politique dont témoigne l’inquiétante défiance que soulèvent désormais nos dirigeants et leur politique. Alors que, selon une enquête OpinionWay réalisée du au avril auprès de personnes, % des Allemands font confiance à leur austère chancelière, que % des Britanniques soutiennent leur fantasque Premier ministre, % seulement des Français sont derrière leur jeune Président.
Cette situation, précaire en période de crise aiguë, fait de la sortie du confinement à partir du mai un rendez-vous capital pour le pouvoir. Et pour le pays. L’exécutif, qui
a dû beaucoup improviser faute d’une France sanitaire prête à faire face, ne peut rejouer dans cette nouvelle étape la même hésitante partition. Il n’est pas sûr que la prise de parole trop floue du Premier ministre ce dimanche ait contribué à rassurer les Français. On peut même se demander s’il était utile d’intervenir pour simplement annoncer la présentation d’un plan détaillé dans deux semaines. Certes, il faut comprendre les interrogations et les hésitations devant une épidémie dont, au fond, on ne sait pas encore grand-chose. Est-il pour autant nécessaire de parler pour ne presque rien dire ? Le « faire » en l’occurrence compte beaucoup plus que la « com’ » à répétition. On ne doute pas que le pouvoir s’emploie beaucoup mais il ne peut, cette fois, laisser planer le doute sur la pertinence de ses décisions. Il doit exposer une stratégie, un agenda et des mesures concrètes pour conjurer la crise de confiance qui flotte dans l’air. On connaît la formule ressassée d’Émile de Girardin : « Gouverner, c’est prévoir. » On cite moins la suite : « Ne rien prévoir, c’est courir à sa perte. » Le pouvoir ne peut se permettre de laisser s’installer ce sentiment plus longtemps, car il courrait un grand péril pour lui-même, qui affecterait aussi le destin du pays. Il lui faut être clair, carré, compact afin de ne pas laisser de place aux voix autoritaires non démocratiques qui attendent leur heure. Nul ne peut dire que cette sortie du confinement est une affaire facile à conduire, mais son enjeu est décisif. Le pouvoir doit montrer qu’il est capable de le réussir pour retrouver la confiance du pays.
« La défiance envers l’exécutif fait de la sortie du confinement un rendez-vous crucial. »