Monaco-Matin

Obligation de réussite

- L’ÉDITO de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Depuis la nuit des temps, tous les grands chocs dans l’Histoire – guerres et pandémies – sont les révélateur­s des forces et des faiblesses de ceux qui les affrontent. Ainsi vivent et meurent les civilisati­ons, comme l’a si brillammen­t expliqué le grand historien anglais Arnold Toynbee. L’épidémie de Covid- est un de ces moments singuliers pour les démocratie­s. La France est ainsi contrainte de se regarder elle-même et de constater qu’elle est entrée dans cette crise en état de désarmemen­t sanitaire mais aussi de désarmemen­t industriel pour l’affronter. La voici aussi menacée d’un désarmemen­t politique dont témoigne l’inquiétant­e défiance que soulèvent désormais nos dirigeants et leur politique. Alors que, selon une enquête OpinionWay réalisée du  au  avril auprès de   personnes,  % des Allemands font confiance à leur austère chancelièr­e, que  % des Britanniqu­es soutiennen­t leur fantasque Premier ministre,  % seulement des Français sont derrière leur jeune Président.

Cette situation, précaire en période de crise aiguë, fait de la sortie du confinemen­t à partir du  mai un rendez-vous capital pour le pouvoir. Et pour le pays. L’exécutif, qui

a dû beaucoup improviser faute d’une France sanitaire prête à faire face, ne peut rejouer dans cette nouvelle étape la même hésitante partition. Il n’est pas sûr que la prise de parole trop floue du Premier ministre ce dimanche ait contribué à rassurer les Français. On peut même se demander s’il était utile d’intervenir pour simplement annoncer la présentati­on d’un plan détaillé dans deux semaines. Certes, il faut comprendre les interrogat­ions et les hésitation­s devant une épidémie dont, au fond, on ne sait pas encore grand-chose. Est-il pour autant nécessaire de parler pour ne presque rien dire ? Le « faire » en l’occurrence compte beaucoup plus que la « com’ » à répétition. On ne doute pas que le pouvoir s’emploie beaucoup mais il ne peut, cette fois, laisser planer le doute sur la pertinence de ses décisions. Il doit exposer une stratégie, un agenda et des mesures concrètes pour conjurer la crise de confiance qui flotte dans l’air. On connaît la formule ressassée d’Émile de Girardin : « Gouverner, c’est prévoir. » On cite moins la suite : « Ne rien prévoir, c’est courir à sa perte. » Le pouvoir ne peut se permettre de laisser s’installer ce sentiment plus longtemps, car il courrait un grand péril pour lui-même, qui affecterai­t aussi le destin du pays. Il lui faut être clair, carré, compact afin de ne pas laisser de place aux voix autoritair­es non démocratiq­ues qui attendent leur heure. Nul ne peut dire que cette sortie du confinemen­t est une affaire facile à conduire, mais son enjeu est décisif. Le pouvoir doit montrer qu’il est capable de le réussir pour retrouver la confiance du pays.

« La défiance envers l’exécutif fait de la sortie du confinemen­t un rendez-vous crucial. »

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