Le plaidoyer du président du « Gault et Millau »
« Une exonération fiscale pour fêter la France et ses territoires. » Voilà le propos de Jacques Bally, confiné à depuis le début de la crise, qui milite pour rouvrir, vite, restaurants et cafés
producteurs.
Cette crise nous a tous contraints à regarder le monde tel qu’il était et à se projeter vers ce qu’il devra être. En témoigne la tribune du Collège culinaire à Emmanuel Macron. Il est clair qu’il va falloir un plan Marshall pour ce secteur d’activité que nous défendons et mettons en lumière toute l’année. Cela ne passera pas uniquement par des aides financières, mais par une dynamique collective que, tous ensemble, nous devons inventer.
Par exemple ?
Nous présageons tous aujourd’hui qu’en dépit d’un déconfinement progressif en France, les frontières resteront fermées. Se rouvriraient-elles que nous ne pourrions envisager, à l’horizon de la saison touristique , un retour des touristes étrangers, russes, américains ou asiatiques. La solution transitoire elle est ici et maintenant
‘‘ chez nous, en France. Qu’on ne s’y trompe pas : loin de moi l’idée de promouvoir un nationalisme nauséabond. Je parle ici d’un patriotisme de recroissance.
Cela peut-il sauver la saison touristique ?
Je le crois. Chacun de nous en a la responsabilité. Si j’osais, j’engagerais les Français, lorsque le déconfinement sera réalité, à fêter la France et ses territoires dans le cadre des conditions de sécurité sanitaire qui seront alors en vigueur. Les vacances, les sorties entre amis, les weekends découverte : faisons-les près de chez nous. Aider un hôtelier, un restaurateur, un cafetier à ne pas être contraint à mettre la clef sous la porte, c’est soutenir toute une chaîne de savoir-faire, d’emploi induits. C’est aider le saisonnier à garder son pouvoir d’achat et donc à continuer de consommer. C’est aider les petits artisans et les producteurs locaux. Je fais ainsi une proposition, elle ira nourrir le débat dont chacun doit s’emparer. Et si, à titre exceptionnel, après cette crise sans précédent, une déduction fiscale extraordinaire sur l’impôt sur le revenu – comme c’est le cas pour l’aide à domicile – était accordée à toute personne pouvant justifier avoir participé à la reprise d’activité de nos métiers du savoir vivre à la française ? J’en fais une autre : on le sait, les assurances refusent – à ce stade – de couvrir les pertes d’exploitation. Et si elles acceptaient d’abonder à la même hauteur que le font les chefs d’entreprise au financement des ticketsrestaurants ou des chèques vacances ?
Vous parliez pourtant d’une dynamique qui ne serait pas seulement économique ?
Oui en effet. Cette crise nous oblige à revoir nos modes de consommation. C’est vital. Je suis convaincu que les comportements d’hyper nomadisme, de consumérisme boulimique et insouciant ont vécu. Qu’il va nous falloir retrouver un peu de bienveillance et d’empathie. Que cette crise nous rappelle que nous avons tous un peu trop tiré sur la corde. D’où mon appel à ce « Fêtons la France et ses treize territoires d’exception » que l’on connaît finalement si peu. Soyons tous bobo, mais pas pour cultiver notre apparence. Pour promouvoir le revivre ensemble. Savourons les goûts de nos pays – après tout, qui aime manger un saucisson dont la peau est en plastique ? Retrouvons des entreprises à taille humaine qui vivent dans, pour et de leur territoire. Une petite auberge de pays qui fait de la proximité pour son ravitaillement, c’est l’excellence. Un restaurant qui se fournit dans un rayon de , kilomètres, et qui cultive un art de vivre.
Soutenir une chaîne du savoir-faire”
Tout cela a cependant un prix à la caisse pour les particuliers ?
Oui, sauf si on remet de la vertu dans notre vivre ensemble. Je paie plus cher un service mais si, en cascade, en amont, les saisonniers, les petits producteurs, les transporteurs, les personnels de salle..., bénéficient d’une plus juste répartition dans leur rémunération, si ce surcoût est gommé par une forme de réciprocité vertueuse, on pourra tous se dire que cette crise dramatique, aux conséquences encore difficiles à cerner, n’aura pas servi à rien.