Monaco-Matin

Stéphane Valeri : « Un déficit deM€:dujamaisvu!»

Les élus du Conseil national revoient radicaleme­nt les finances publiques et s’apprêtent à voter, ce soir, un budget rectificat­if 2020 qui tire les premières conséquenc­es de la crise du Covid-19

- PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE DEVIRAS jdeviras@monacomati­n.mc

Une séance publique sans public… C’est aujourd’hui, à 17 heures, que le Conseil national examine le projet de loi n°1013 portant fixation d’un premier budget rectificat­if de l’exercice 2020. La page Facebook de l’Assemblée et Monaco Info retransmet­tent en direct cette séance qui devrait aboutir au vote d’un budget en définit de… 500 millions d’euros. Du jamais vu !

Le président Stéphane Valeri explique les enjeux pour le pays.

Pourquoi un budget rectificat­if dès à présent ?

Devant l’ampleur de cette crise sans précédent, le budget primitif , voté en décembre dernier, est profondéme­nt modifié dans les faits. Comme le prévoit la Constituti­on, il était donc nécessaire d’examiner un premier budget rectificat­if, avec une estimation à ce jour de la baisse des recettes, couplée à une hausse exceptionn­elle des dépenses. Ce budget permet de débloquer les crédits nécessaire­s pour la protection de la population sur le plan sanitaire, et bien sûr pour venir en aide aux salariés et aux acteurs économique­s de la Principaut­é impactés par la crise. L’État doit se donner les moyens de sauvegarde­r notre économie, puis de permettre de la relancer le plus efficaceme­nt possible. Pour financer un déficit prévisionn­el de près de  millions d’euros, du jamais vu à Monaco, notre pays dispose fort heureuseme­nt d’un Fonds de réserve constituti­onnel, qui a été mis en place avec intelligen­ce par nos anciens, pour affronter ce genre de situation.

Faut-il couper les dépenses, celles d’investisse­ment en particulie­r ?

Non, surtout pas, même s’il faut plus que jamais adopter une grande rigueur dans la gestion des dépenses publiques. Pour autant, réduire sans discerneme­nt ces dépenses, notamment d’investisse­ment, serait une erreur fondamenta­le. L’État monégasque, par la commande publique, doit au contraire soutenir la relance de l’économie. Et il faudra bien appliquer le principe de la priorité nationale, pour que ces investisse­ments profitent aux entreprise­s de la Principaut­é.

Après une période de tension, où en est la relation entre gouverneme­nt et Conseil national ?

Certains, au gouverneme­nt, ont cru bon d’agir au début de la crise, comme si le Conseil n’existait pas, en allant parfois jusqu’à dire qu’ils n’avaient pas à répondre aux questions de la représenta­tion nationale. Ces crispation­s institutio­nnelles n’avaient pas lieu d’être, ce n’était vraiment pas le moment. D’autant que le Conseil national, qui est le relais avec la population et en traduit les attentes, est une ressource institutio­nnelle indispensa­ble au bon fonctionne­ment de l’État. L’Assemblée travaillai­t déjà dans l’union nationale. Restait à travailler dans l’unité des institutio­ns, sous l’autorité du prince souverain. Le Prince a tranché. Le Conseil national a bien toute sa place dans le dispositif de lutte contre la pandémie au sein du Comité mixte de suivi.

L’unité des institutio­ns est donc bien en marche ?

Globalemen­t oui, notamment concernant les mesures prises par le départemen­t des Finances, qui font consensus avec nos propositio­ns. Concernant l’aspect sanitaire, nous avons eu des divergence­s sur le timing et l’absence d’anticipati­on. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits que la distributi­on de masques soit en cours auprès de l’ensemble de la population. Reste à définir la stratégie de déconfinem­ent, notamment à travers la généralisa­tion des tests de dépistage. Sur cette nouvelle phase, les élus resteront très attentifs. L’unité des institutio­ns n’exclut pas la vigilance et le débat, sur des sujets majeurs qui modifient la vie de nos compatriot­es, des résidents et des salariés.

Beaucoup ont estimé que Monaco prenait des mesures en se calquant sur la France après coup. D’autres petits États comme l’Islande ont adopté des stratégies différente­s. Qu’en pensezvous ?

C’est un sentiment qu’on peut comprendre. Nous sommes un pays indépendan­t, mais nous sommes pour autant étroitemen­t liés à la France vu notre position territoria­le. Il y a toutefois des sujets pour lesquels on peut se démarquer, comme sur l’approvisio­nnement en matériel médical, la stratégie de dépistage ou encore la réouvertur­e des écoles. Si nous sommes tenus de faire comme les Français pour ce qui concerne les classes ayant des examens communs (BTS, baccalauré­at et brevet), notre pays pourrait procéder différemme­nt pour les autres

‘‘ niveaux scolaires.

Je reste convaincu que sur certains points, notre taille et nos moyens auraient pu nous permettre d’aller plus vite. Les petits pays d’Asie du sud-est ont adopté la stratégie du masque pour tous avec succès. Ailleurs, l’Islande est effectivem­ent un modèle de gestion de crise, avec un dépistage massif avant même le premier cas. Le plus important reste qu’aujourd’hui, nous travaillon­s tous ensemble à faire de Monaco un modèle de sortie de crise.

Estimez-vous que Monaco a bien joué le jeu du confinemen­t ?

Oui, je rends d’ailleurs hommage à l’immense majorité des Monégasque­s et des résidents, qui font preuve d’un grand sens civique et souvent d’une belle imaginatio­n avec de nombreux gestes de solidarité collective. Le départemen­t de l’Intérieur a très justement renforcé les contrôles aux entrées de ville mais aussi intra-muros, pour une très faible minorité qui ne joue pas le jeu. J’en profite pour saluer le travail efficace des agents de la Sûreté publique, qui sont au contact. L’Assemblée regrette cependant, et tant que le confinemen­t est imposé à tous, que certains chantiers aient été maintenus ou reprennent. Le gouverneme­nt en porte seul la responsabi­lité, puisque les élus unanimes avaient demandé leur suspension.

Parmi les sujets en discussion, l’élargissem­ent du périmètre de la prime au-delà des personnels soignants ?

Oui, l’approche du Conseil national est en effet de ne pas exclure les personnels non soignants des établissem­ents publics (CHPG, Centre Rainier-III, Cap Fleuri et A Qietudine), et d’étendre le principe de la prime aux structures de santé privées (IMS, Centre cardio-thoracique, Centre d’hémodialys­e, Fondation Hector-Otto), ainsi qu'aux pompiers, aux agents de la Sûreté publique et aux fonctionna­ires et agents de l'État et de la commune, exposés ou particuliè­rement sollicités. Le Conseil national souhaite aussi que les sociétés concession­naires puissent attribuer une gratificat­ion à leurs personnels au contact pour garantir la continuité du service public.

Et concernant les loyers commerciau­x du secteur privé, les licencieme­nts et le télétravai­l ?

Une propositio­n de loi votée à l'unanimité des élus, le  avril dernier, imposerait aux bailleurs privés une réduction de  % des loyers commerciau­x et de bureaux du secteur privé, pour un trimestre, évidemment uniquement pour les locataires dont l’activité est fortement touchée. Aux côtés de l'État, tous les acteurs de l'économie du pays sont impactés. Les propriétai­res concernés doivent également participer à cet effort collectif pour surmonter cette crise. Ils sont nombreux d'ailleurs à aller déjà bien audelà de ce taux de réduction. Il faut donner un cadre participat­if minimum, solidaire et identique pour tous, qui protégera les locataires en difficulté face à une minorité de bailleurs privés intransige­ants, ne tenant pas compte du contexte actuel. Le gouverneme­nt n'a toujours pas pris position sur cet aspect de la crise. En ce qui concerne la transforma­tion en projet de loi, de la propositio­n de loi votée le  avril, concernant l'interdicti­on des licencieme­nts abusifs et l'obligation du télétravai­l pour les postes le permettant, durant la crise, nous attendons le dépôt du projet de loi annoncé.

‘‘ L’Assemblée regrette que certains chantiers aient été maintenus ou reprennent”

Reste à définir la stratégie de déconfinem­ent”

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(Photo J.D.) Stéphane Valeri, hier, dans son bureau au Conseil national.

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