Monaco-Matin

Platane, Éric Judor complèteme­nt barré

Trois saisons en sept ans pour la série signée de l’acteur-réalisateu­r. Une référence de l’humour absurde et complèteme­nt lunaire

- MATHIEU FAURE

Un accord de Buona Sera de Louis Prima pour annoncer chaque épisode et voilà trois saisons – étalées sur sept ans – que la série Platane, écrite et interprété­e par Éric Judor, avance de manière assez improbable dans l’univers de la création. Série comique, car il faut bien la classer, Platane est surtout lunaire et utilise un humour absurde que seul Éric Judor semble maîtriser à la perfection. L’idée de départ était déjà atypique : Éric Judor – qui campe son propre rôle – heurte un platane au volant de sa voiture et tombe dans le coma pendant un an. À son réveil, son ancien partenaire Ramzy est devenu une star en continuant, sans lui, la série H. Vexé, Éric tente de réaliser la suite du film à succès La Môme qu’il intitule La Môme 2.0 : Next Generation. Son but ? Montrer au monde du cinéma qu’il sait, lui aussi, être pertinent, sérieux, émouvant, profond, crédible. Mais comme Éric Judor est un homme barré, la série l’est forcément. Avec des invités qui jouent leur propre rôle (Clotilde Courau, Vincent Cassel, Gilles Lellouche, Guillaume Canet, Michel Hazanavici­us, Roland Magdane, Boris Diaw, Monica Bellucci, etc.), Judor oscille entre l’acteur lourdaud, le raté, le menteur, le grand naïf et le maladroit. Plus c’est gros, plus ça passe.

Une débilité assumée

humiliante permanente qui est assez jouissive. Le tout avec une débilité assumée car tout ce qu’il entreprend est un échec : ses films, ses relations amoureuses et amicales. Évidemment, il faut être réceptif à l’humour de son auteur, que ce soit dans l’iconique La Tour Montparnas­se infernale ou de la série H, pour apprécier le burlesque des gags et son côté no limit puisqu’Éric Judor est capable de rire de tout. Mais il y a aussi une certaine critique de la célébrité, de la solitude, de la superficia­lité du monde du cinéma. Si vous avez aimé la vision burlesque d’un Sacha Baron Cohen dans Borat, Platane est fait pour vous. Car Judor réussit à faire rire avec des petits riens. Des silences. Des sourires embarrassa­nts. Des lapsus. Et surtout des malaises permanents. « La comédie qui me plaît consiste à pousser le malaise le plus loin possible. Le public est en empathie avec le personnage que je mets dans une situation très embarrassa­nte. Je crée une grosse gêne qui, à force de gonfler, devient drôle », raconte Judor au moment de la sortie de la saison deux. Le réalisateu­r n’a pas de tabou. Aucun. Il met en boîte les minorités, les handicapés, les juifs, les femmes, use beaucoup de private joke au risque de perdre certains téléspecta­teurs en route mais Judor va tellement loin dans l’autodérisi­on que l’on reste. On poursuit l’aventure aussi pour le génial Flex, cet ami encombrant, squatteur, profiteur mais drôle, indispensa­ble et loyal. Tout en étant difficile à déchiffrer et à raconter simplement, Platane est une formidable aventure télévisuel­le parce qu’elle est risquée. D’ailleurs, la série n’avait pas rencontré un franc succès au moment de sa sortie sur Canal Plus en 2011. Ce n’est qu’en replay, de longs mois plus tard, que le succès a vu le jour au point de convaincre la chaîne cryptée d’en commander deux autres saisons dont la dernière est sortie en décembre 2019. Car Platane se mérite. Se savoure. Se déguste. S’apprivoise.

Et dans Platane, force est de constater que ça passe très souvent. Surtout grâce à son bras droit Hafid F. Benamar, également scénariste de l’ovni, qui campe Flex, son beaufrère parasite. Le binôme est perché et enchaîne les situations absurdes. Quelle est la part de réalité dans cette autofictio­n ? Tout. Et rien à la fois. Car Éric Judor a toujours fonctionné ainsi. Utiliser l’absurde pour faire passer des messages, que ce soit dans Platane mais aussi dans ses films comme Problemos. On pourrait facilement croire qu’il soit tombé dans un délire narcissiqu­e, après tout ce n’est pas commun de réaliser une série... sur soi-même. Mais il y a une manière “de pla cer son personnage dans une situation Platane, trois saisons, disponible sur My Canal. Confinés déchaînés City et  nuances de Grecs de Jul, Tu mourras moins bête de Marion Montaigne, Athleticus de Nicolas Deveaux, Tout est vrai ou presque de Nicolas Rendu, Vincent Brunner et Christophe Abric... Soyons honnêtes : au début le confinemen­t nous a permis de mettre

un terme à notre évidente procrastin­ation. Surtout pour ranger les papiers, Aujourd’hui, c’est Rhapsody in Blue ! nettoyer les placards, faire la poussière... Mais au bout d’un moment, hein, Tous les jours à  h, le site de la Ville de Nice cultivezça va bien ! Sortir, allez boire un verre, partager un restaurant, voir la mer... vous.nice.fr, propose le rendez-vous « Figure libre »... Eh oui, voir la mer, on l’avait oublié, ça fait du bien. Tout ça commence à nous Aujourd’hui, on pourra y écouter Rhapsody in Blue manquer. Le seul qui est heureux de cet enfermemen­t, c’est mon chien. Lui de George Gershwin, par Marie-Josèphe Jude, qui, avec l’âge, restait confiné sur le canapé avec ses douleurs – il n’est pas le pianiste et directrice artistique de l’Académie seul. Mais ne voilà-t-il pas qu’il retrouve de l’énergie. Il se lève, vient internatio­nale d’été de Nice, accompagné­e des avec moi au jardin, attend  h avec impatience pour déjeuner à saxophonis­tes du Quatuor Ellipsos. Une version mes côtés. Il est tout heureux et, comme tous les chiens, il remue la présentée lors des  ans des Studios de la Victorine. queue pour montrer son contenteme­nt – il est bien le seul ! A. M.

Rire de soi, encore et toujours

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