Monaco-Matin

Le jour où Rita Hayworth s’est mariée à Vallauris

En 1949, la reine de Broadway épouse le prince Ali Khan dans la cité des Potiers. Superprodu­ction !

- AURORE HARROUIS Sources : Au coeur du pays bleu

Vroum vroum ! » Une Alfa Romeo rugit dans les ruelles de Vallauris. Au volant, le frère d'Ali Khan se fraye un chemin parmi la foule de curieux qui entourent l'hôtel de ville. Le futur marié en descend dans un costume de cérémonie sombre, une rose rouge à la boutonnièr­e. Puis s'engouffre dans la mairie suivi de près par son père, l'Aga Khan et son épouse, la Bégum. Il est 11 heures, vendredi 27 mai 1949.

Où est Rita ? À 11 h 20, une Cadillac blanche décapotabl­e dépose la reine de Broadway au pied des escaliers de la mairie (actuelle bibliothèq­ue municipale). Vêtue – par le couturier Jacques Fath – d'une robe bleue, un bouquet de roses blanches et de fleurs d'oranger à la main, la « déesse de l’amour » salue la foule de curieux venus célébrer son union avec Ali Khan.

La belle pénètre dans la grande salle du rez-de-chaussée où la cérémonie est exceptionn­ellement célébrée afin d'éviter à l'Aga Khan, assez âgé, de monter les marches. Sept princes, un maharajah et un émir. Des comtes, ambassadeu­rs et femmes du monde. Près de soixante-dix personnes entourent les futurs mariés. Bonjour l'intimité ! Des centaines de journalist­es venus du monde entier patientent dehors. Et la foule des grands jours... Pour l'occasion, la mairie s'est même refait une beauté. Pas tous les jours qu’une reine du music-hall épouse un prince dans la cité des Potiers !

Flash-back, au cours de l'été 1948. La star d'Hollywood est encore mariée à Orson Welles. Mais il y a de l’eau dans le gaz. En pleine promotion parisienne de La Dame de Shanghai, Rita Hayworth se plaint de violents maux de tête et décide de se reposer sur la Côte d'Azur. Invitée à une soirée cannoise par Elsa Maxwell, journalist­e américaine mondaine, elle se laisse séduire par le prince Ali, le « royal play-boy », fils de l’Aga Khan III (chef religieux des Ismaéliens, un courant minoritair­e de l’Islam chiite). L'idylle naissante fait les choux gras de la presse.

Les rumeurs de mariage circulent allègremen­t. Séduit par la jeune femme, l'Aga Khan, dont l'aval est nécessaire à toute célébratio­n, donne son feu vert après une présentati­on très officielle organisée en avril.

« Margarita Cansino [le vrai nom de l'artiste, ndlr], consentez-vous à prendre pour époux Ali Salomon Khan ? », demande Paul Derigon, maire communiste de Vallauris. Le «oui» timide de l'actrice est suivi du «oui» viril d'Ali. Ça y est ! Gilda est princesse. Les époux quittent l'hôtel de ville sous des nuées d'acclamatio­ns. Et se rendent au château de l'Horizon, à Golfe Juan, demeure des années vingt, à fleur de mer, que possède le prince. Une surprise a été réservée aux jeunes époux : au milieu de la piscine remplie d’eau de Cologne, leurs initiales flottent, tout en fleurs blanches. Huit chefs ont préparé les buffets, cinq camions ont apporté champagne, caviar, langoustes et autres mets raffinés. Yves Montand chante. La pièce montée arrive. Rita, munie d'un sabre, la tranche, selon le rite musulman. « Pour la première fois de ma vie, je suis enfin pleinement heureuse, Ali est le plus merveilleu­x des hommes », déclare Rita aux journalist­es admis à la réception.

Mais Ali aime les femmes et le jeu. Au fil des mois, il s'éloigne de la star. Rita reprend sa carrière en main. Deux ans après leur union, le divorce est prononcé. Le conte des mille et une nuits s'achève pour la reine de Broadway...

Cervera, Ralph Schor, Véronique Thuin, éd. Serre, 2011.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco