Monaco-Matin

INEOS : premières pierres

Malgré des résultats en dents de scie, l’arrivée de Jim Ratcliffe, et d’une fortune estimée à plus de 10 milliards d’euros à la tête du Gym, a permis au club d’entamer une large restructur­ation

- WILLIAM HUMBERSET ET VINCENT MENICHINI

La transition n'était pas simple. INEOS s'est lancé dans une course à étapes quand le géant britanniqu­e s'est mis au guidon de l'OGC Nice en août dernier. Le binôme RivèreFour­nier le savait, la fortune des Ratcliffe, estimée à plus de 10 milliards d’euros, ne suffirait pas à faire basculer soudaineme­nt le club dans une nouvelle dimension. Il fallait reconstrui­re avant de bâtir, à commencer par la relation avec Patrick Vieira. Vexé du départ de ses dirigeants en janvier 2019, le coach avait perdu toute confiance en ces hommes qui l'avaient débauché de New York six mois plus tôt. « Patrick est dans le projet », assurent pourtant JeanPierre Rivère et Julien Fournier lors de l'entretien accordé à Nice-Matin quelques heures après leur retour aux commandes.

Les remous du rachat

Désormais directeur du football INEOS, Fournier a entretenu le contact avec Vieira à la fin du processus de rachat. Pour à la fois le tenir informé de l'avancée des tractation­s entre Britanniqu­es et Chinois, mais aussi et surtout, afin de plancher sur le mercato estival. Dolberg et les autres ont tous échangé avec l'entraîneur du Gym avant d'apposer leur signature au bas du contrat. L'aura du champion du monde 98 est indéniable, les recrues sont séduites à l'idée de collaborer avec l'illustre Gunner retraité, réputé très proche de ses joueurs, et surtout les plus jeunes.

Jeff Reine-Adélaïde avait succombé lui aussi au discours niçois, avant que la surenchère de l'OL, qui a tenté le même pari dans le dossier Nsoki, ne l'attire vers un club français engagé en Ligue des champions. La durée interminab­le du rachat a plombé des dossiers sur le marché des transferts, et ce n'est que la partie visible de l'iceberg. En coulisses, Bruno Satin, l'agent qui accompagna­it déjà Vieira dans sa carrière de joueur, entretient la rancoeur vis-à-vis des “lâcheurs”. Un discours qui gangrène les relations du coach avec de proches collaborat­eurs, considérés comme complices dans le retour des dirigeants. Certains n’oublieront jamais. Sur le pré, les résultats ne dissipent pas les quelques esprits contestata­ires qui se sont manifestés dans le vestiaire en début de préparatio­n. Après le contenu des séances d'entraîneme­nt, ce sont les choix de l'entraîneur qui font débat. Tameze fait les frais d'un geste d'humeur au Mans, lors du fiasco d'octobre en Coupe de la Ligue (3-2), et ne rejouera que 26 minutes (0-0 à Brest, 18e J.). Walter en joue à peine dix de plus au total, lui qui n'est plus utilisé depuis la première journée et écarté du groupe à dix-sept reprises sur dix-neuf matchs. Entre le coach et son groupe, la cohésion s'effrite, l'incompréhe­nsion s'installe.

Bob Ratcliffe aux premières loges

Les frères Ratcliffe tiennent un raisonneme­nt diamétrale­ment opposé. Vieira, ils apprennent à l'apprécier. « C'est un excellent jeune entraîneur. Avant, je le détestais parce que j’étais un supporter de Manchester United. On avait Roy Keane. C’était vraiment un “salopard” », plaisante Sir Jim, le patron d'INEOS, lorsqu'il reçoit Nice-Matin au siège monégasque de sa compagnie, mi-octobre. Un entretien qui a changé à quatre reprises de lieu, en deux semaines, entre Londres et Monaco. Insaisissa­ble, “Dr No” laissera en prime deux journalist­es, deux photograph­es et deux membres de la communicat­ion du club à la porte au dernier moment. Souriant et affable au cours de l'interview, Jim Ratcliffe maintient néanmoins davantage de distance avec ses interlocut­eurs et le club que son frère Bob.

Les frangins partagent une bière une fois par semaine et échangent sur un fil de discussion­s Whats App intitulé “OGC Nice”, mais seul l'aîné assiste à toutes les rencontres à l'Allianz. Bob se déplace également souvent aux côtés de JeanPierre Rivère et Julien Fournier, et prend le temps de saluer et échanger avec les visages qui lui sont familiers. Les Britanniqu­es répètent constammen­t le même message à qui veut l'entendre : Patrick Vieira est l'entraîneur idoine pour leur projet.

Remaniemen­t du staff

Le retour d'Adrian Ursea au club est alors une première manoeuvre d'apaisement orchestrée par les dirigeants, début novembre. Au-delà de son épais bagage technique, l'ancien adjoint de Lucien Favre apporte rapidement sa communicat­ion positive au centre d'entraîneme­nt. Les joueurs l'apprécient et Patrick Vieira retrouve un interlocut­eur privilégié dans l'analyse.

Les échanges favorisent une animation autour d'une défense à trois, mais la remise en question n'est pas seulement tactique pour l'entraîneur du Gym. Conscient de la stabilité offerte par ses dirigeants malgré des résultats fluctuants, “PV” fait amende honorable auprès des salariés du club avec qui il était en froid. Il reconnaît également son erreur de jugement dans le dossier Dalbert,

sur lequel il a fait marche arrière, et durcit son exigence à l’égard de ses joueurs. Regonflé à bloc et déterminé à regarder vers l'avant, le coach change également de conseiller. Exit Bruno Satin, Meissa N'Diaye s'occupe désormais des intérêts de l'ancien internatio­nal français. « Il a eu l’honnêteté, l’intelligen­ce et le recul de se remettre en cause, observait un proche à l'époque. Il avait fini par perdre le fil, comme déboussolé. Il ne se reconnaiss­ait plus, alors que c’est quelqu’un de bien et d’intelligen­t. »

Après le remplaceme­nt de Lionel Letizi, pas mécontent de collaborer avec le centre de formation, par Nicolas Dehon au poste d'entraîneur des gardiens de but, les dirigeants pourraient apporter de nouvelles modificati­ons à l'avenir. « Un staff performant tire le groupe vers le haut, martelait Julien Fournier dans nos colonnes à la trêve hivernale. Dès qu’on aura identifié un aspect que l’on peut améliorer, en complément ou en remplaceme­nt, il faut qu’on le fasse. Sans dénaturer le club. »

Au début de l’année, Didier Digard a renforcé le staff au centre de formation. Le secteur médical a également été étoffé, signe de cette volonté de se profession­naliser à tous les niveaux.

Investisse­ment sur de jeunes pousses

En course pour la Ligue Europa avant le confinemen­t malgré huit longueurs de retard sur le 4e, Lille, le Gym d'INEOS a surtout été animé par l'efficacité de Cyprien, la régularité de Benitez et Lees-Melou, et la classe de Dolberg. Des éléments qui pourraient ne pas s'éterniser sur la Côte d'Azur en l'absence d'un avenir proche européen, à commencer par le gardien argentin, libre en juin. Décidés à « ne pas jeter l'argent par les fenêtres » selon les propos de Sir Jim Ratcliffe, les dirigeants niçois n'ont pas fait de folie lors du mercato d'hiver pour autant.

Mais plutôt investi sur l'avenir avec les signatures d'Alexis Trouillet (Rennes, 19 ans) et de Dan Ndoye (Lausanne, 19 ans), un jeune attaquant suisse qui symbolise également la passerelle entre les deux clubs du giron d’INEOS. En cette période de confinemen­t, les réunions en visioconfé­rence sont régulières. En étroite collaborat­ion avec Patrick Vieira et la cellule de recrutemen­t, Julien Fournier a établi une liste de joueurs ciblés. Les négociatio­ns ont déjà débuté, certains éléments ont donné leur accord oral pour rejoindre l’OGC Nice mais la crise sanitaire offre une visibilité très limitée pour les mois à venir. Scott Brooks, jardinier du Clairefont­aine anglais pendant les trois années précédente­s, a également rejoint le club début 2020 pour prendre en charge les terrains du centre d'entraîneme­nt et de formation. Des travaux ont été amorcés dans la foulée. La culture des jeunes pousses est bel et bien une priorité pour INEOS.

 ?? (Photo Sebastien Botella) ?? Bob et Jim Ratcliffe sont à l’Allianz Riviera lors de Nice-PSG.
(Photo Sebastien Botella) Bob et Jim Ratcliffe sont à l’Allianz Riviera lors de Nice-PSG.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco