Monaco-Matin

La justice valide l’arrêté de couvre-feu pris à Nice

Le tribunal administra­tif a rejeté, hier, la requête de la Ligue des droits de l’Homme, qui juge « discrimina­toire » cette mesure limitée à certains quartiers. La LDH saisit le Conseil d’État

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

La justice a tranché. Hier matin, le tribunal administra­tif de Nice a validé un arrêté pris par le maire de la ville et attaqué par la Ligue des droits de l’Homme. Persistant à juger « discrimina­toire » cette mesure visant à renforcer le couvre-feu préfectora­l, la LDH va faire appel et porter l’affaire devant la Conseil d’État. Cet arrêté municipal a été pris le 7 avril, puis renouvelé le 15. Il interdit la circulatio­n des personnes entre 20 heures et 5 heures dans neuf quartiers populaires de Nice (Trachel, Jean-Vigo, Notre-Dame, Saint-Charles, Bon-Voyage, Maurice-Maccario, Pasteur, Las Planas, Les Moulins).

Voulue par Christian Estrosi dans le cadre de la lutte contre le coronaviru­s, cette mesure élargit les plages horaires de l’arrêté préfectora­l (22 heures-5 heures) déjà en vigueur dans les communes de plus de 10 000 habitants. La LDH y voyait une « surenchère » locale, attentatoi­re aux libertés fondamenta­les. Dès lors, elle a attaqué cet arrêté en référé-liberté.

Impact limité

Les deux parties ont confronté leurs arguments lundi lors de l’audience devant le tribunal administra­tif (Nice-Matin de mardi). Face à Me Mireille Damiano, avocate de la LDH, Me Adrien Verrier a développé les arguments en faveur d’un couvre-feu renforcé et sectorisé. L’avocat a notamment souligné le nombre important de verbalisat­ions recensées dans ces quartiers pour non-respect du confinemen­t. Le tribunal donne raison à la Ville. Certes, relève-t-il dans un communiqué, « le maire ne peut se substituer aux autorités de l’État pour prendre des mesures de police en l’absence de raisons impérieuse­s liées à des circonstan­ces locales ». Pour autant, un maire « conserve la plénitude de l’exercice de son pouvoir de police générale pour prendre des mesures d’accompagne­ment de celles de l’État, afin de prévenir les risques pour la santé et la sécurité publique. » Dès lors, « ces mesures doivent être limitées et adaptées par leur contenu à l’objectif de protection pris en compte. »

Limitées, c’est l’idée. Le juge des référés retient que cet arrêté «ne concerne qu’une très faible partie du territoire communal très précisémen­t déterminée (1,3 %) et n’augmente l’interdicti­on préfectora­le que de deux heures, l’ensemble de ces restrictio­ns cessant le 11 mai. Elle est limitée dans le temps et l’espace. »

Un tiers des PV dressés en soirée

Manifestem­ent convaincu par la démonstrat­ion de la mairie, le tribunal note que « le nombre d’infraction­s aux règles du confinemen­t constatées, dans ces secteurs très restreints, représente plus du quart des infraction­s constatées sur la ville de Nice par la police municipale, et un tiers des infraction­s relevées entre 20 et 22 heures. »

Dès lors, cet arrêté répond bien « aux objectifs de prévention de l’épidémie. » Il ne constitue pas (Photo Dylan Meiffret)

« une atteinte grave et manifestem­ent illégale à des libertés fondamenta­les ». Le tribunal rejette la demande de la LDH sur le fond, et la condamne à verser 1 500 euros à la Ville.

« Intentions politiques »

« Je suis un peu interpellé­e par la motivation, réagit Me Damiano. On voit bien que l’idée, c’est de dire que la mairie peut prendre un arrêté de police générale pour répondre à un traitement de trouble à l’ordre public. » Problème, selon elle : « Les pièces produites par la Ville ne sont pas probantes. Le problème n’est pas la superficie concernée, c’est la densité de population ! »

Outre des calculs orientés, Me Damiano

dénonce « une atteinte à la liberté fondamenta­le, même sur un nombre réduit de population­s. » La LDH compte interjeter appel dès aujourd’hui et prolonger le débat devant le Conseil d’État. Pour sa part, Christian Estrosi a sobrement salué la décision du tribunal administra­tif. Tout en glissant un tacle à la LDH. « Ceux qui avaient des intentions politiques [Mireille Damiano était tête de liste la France insoumise-PCF aux élections municipale­s] et qui souhaitaie­nt dénoncer un “arrêté discrimina­toire” voulaient, en réalité, moins protéger les Niçois des neuf quartiers de la ville concernés. » À cette occasion, le maire remercie « tous ceux qui se conforment aux règles édictées par l’État et la municipali­té visant à les protéger. »

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Pour justifier l’arrêté pris par Christian Estrosi, la mairie affirme qu’un quart des PV liés au non-respect du confinemen­t ont été dressés, par la police municipale, dans les neuf quartiers concernés.

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