La justice valide l’arrêté de couvre-feu pris à Nice
Le tribunal administratif a rejeté, hier, la requête de la Ligue des droits de l’Homme, qui juge « discriminatoire » cette mesure limitée à certains quartiers. La LDH saisit le Conseil d’État
La justice a tranché. Hier matin, le tribunal administratif de Nice a validé un arrêté pris par le maire de la ville et attaqué par la Ligue des droits de l’Homme. Persistant à juger « discriminatoire » cette mesure visant à renforcer le couvre-feu préfectoral, la LDH va faire appel et porter l’affaire devant la Conseil d’État. Cet arrêté municipal a été pris le 7 avril, puis renouvelé le 15. Il interdit la circulation des personnes entre 20 heures et 5 heures dans neuf quartiers populaires de Nice (Trachel, Jean-Vigo, Notre-Dame, Saint-Charles, Bon-Voyage, Maurice-Maccario, Pasteur, Las Planas, Les Moulins).
Voulue par Christian Estrosi dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, cette mesure élargit les plages horaires de l’arrêté préfectoral (22 heures-5 heures) déjà en vigueur dans les communes de plus de 10 000 habitants. La LDH y voyait une « surenchère » locale, attentatoire aux libertés fondamentales. Dès lors, elle a attaqué cet arrêté en référé-liberté.
Impact limité
Les deux parties ont confronté leurs arguments lundi lors de l’audience devant le tribunal administratif (Nice-Matin de mardi). Face à Me Mireille Damiano, avocate de la LDH, Me Adrien Verrier a développé les arguments en faveur d’un couvre-feu renforcé et sectorisé. L’avocat a notamment souligné le nombre important de verbalisations recensées dans ces quartiers pour non-respect du confinement. Le tribunal donne raison à la Ville. Certes, relève-t-il dans un communiqué, « le maire ne peut se substituer aux autorités de l’État pour prendre des mesures de police en l’absence de raisons impérieuses liées à des circonstances locales ». Pour autant, un maire « conserve la plénitude de l’exercice de son pouvoir de police générale pour prendre des mesures d’accompagnement de celles de l’État, afin de prévenir les risques pour la santé et la sécurité publique. » Dès lors, « ces mesures doivent être limitées et adaptées par leur contenu à l’objectif de protection pris en compte. »
Limitées, c’est l’idée. Le juge des référés retient que cet arrêté «ne concerne qu’une très faible partie du territoire communal très précisément déterminée (1,3 %) et n’augmente l’interdiction préfectorale que de deux heures, l’ensemble de ces restrictions cessant le 11 mai. Elle est limitée dans le temps et l’espace. »
Un tiers des PV dressés en soirée
Manifestement convaincu par la démonstration de la mairie, le tribunal note que « le nombre d’infractions aux règles du confinement constatées, dans ces secteurs très restreints, représente plus du quart des infractions constatées sur la ville de Nice par la police municipale, et un tiers des infractions relevées entre 20 et 22 heures. »
Dès lors, cet arrêté répond bien « aux objectifs de prévention de l’épidémie. » Il ne constitue pas (Photo Dylan Meiffret)
« une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales ». Le tribunal rejette la demande de la LDH sur le fond, et la condamne à verser 1 500 euros à la Ville.
« Intentions politiques »
« Je suis un peu interpellée par la motivation, réagit Me Damiano. On voit bien que l’idée, c’est de dire que la mairie peut prendre un arrêté de police générale pour répondre à un traitement de trouble à l’ordre public. » Problème, selon elle : « Les pièces produites par la Ville ne sont pas probantes. Le problème n’est pas la superficie concernée, c’est la densité de population ! »
Outre des calculs orientés, Me Damiano
dénonce « une atteinte à la liberté fondamentale, même sur un nombre réduit de populations. » La LDH compte interjeter appel dès aujourd’hui et prolonger le débat devant le Conseil d’État. Pour sa part, Christian Estrosi a sobrement salué la décision du tribunal administratif. Tout en glissant un tacle à la LDH. « Ceux qui avaient des intentions politiques [Mireille Damiano était tête de liste la France insoumise-PCF aux élections municipales] et qui souhaitaient dénoncer un “arrêté discriminatoire” voulaient, en réalité, moins protéger les Niçois des neuf quartiers de la ville concernés. » À cette occasion, le maire remercie « tous ceux qui se conforment aux règles édictées par l’État et la municipalité visant à les protéger. »