Aux Moulins, « c’est moins facile à vivre » confiné
Dans ce quartier prioritaire de qui a fait parler de lui au début de la quarantaine, la population prend son mal en patience. Même si la place des Amaryllis reste très fréquentée
Place des Amaryllis, le seul véritable lieu de vie des Moulins. On y trouve tous les commerces de première nécessité : tabac, boucherie, boulangerie, pharmacie… Il y a vite un effet foule sur cette placette, au centre de ce quartier prioritaire de Nice, où vivent 9 000 habitants. Des files se forment à l’extérieur des magasins, qui ont mis en oeuvre les dispositifs nécessaires. « C’est compliqué de tout mettre en place, prie de croire le pharmacien. Les gens demandent des masques et de la chloroquine, il y a beaucoup d’attentes. Il y a quelques incivilités à l’intérieur, mais comme partout en France. » « Au début, c’était compliqué, concède Moussa Zriouil, le boulanger. Maintenant, ça se passe bien, les clients rentrent un par un. Mais les gens s’inquiètent du monde qu’il y a sur la place. »
«Çasevend comme du beurre »
Le maire, Christian Estrosi, a inclus la place des Amaryllis parmi les neuf secteurs concernés par l’arrêté couvrefeu (lire en page ci-contre). Motif : non-respect du confinement. Il faut dire qu’ici, même en cette fin de matinée, il y a du monde. Les anciens préemptent les bancs pour tailler le bout de gras. Et un groupe de jeunes s’affairent à leur « business », comme le dit un ado. «Ça, c’est l’herbe, décrypte un petit vieux masqué au regard rieur. Ça se vend comme du beurre ! C’est ça qu’on a aux Moulins. Et si la police vient, ffffuit ! Ils disparaissent tous. »
Ce retraité assure ne faire ses courses qu’une fois par semaine. Il en profite pour saluer des amis. Après avoir pris une amende, il a retenu la leçon : « on a le droit à
Malika Saadaoui, ans, fait partie des bénéficiaires des colis d’urgence distribués par l’association Adam : « Après le loyer, il me reste peu d’argent pour acheter à manger. » Comme de nombreux habitants des Moulins, le confinement est une épreuve : «Onest comme en deuil. On a l’habitude de sortir parler avec les amis, Malika Saadaoui, ans. d’aller chez eux.
Maintenant, je ne vois plus personne. Je regarde la télé et je fais le ménage, mais j’en ai marre. Regarde ce que l’eau de javel a fait à mes mains… » Autre inquiétude, grandissante : « Pour nous, c’est bientôt le ramadan. Mais on ne peut pas aller à la mosquée. » une heure de sortie par jour. » « La plupart des gens que vous voyez sur la place sont à la retraite, ou au chômage, élargit-il. Ils s’ennuient à la maison. Parce qu’en plus, il n’y a plus de travail au noir. Avant, ils pouvaient donner un coup de main sur les chantiers, bricoler, faire de la peinture… »
Les trois pharmacies du quartier se sont accordées pour fermer une heure plus tôt, le soir. Par précaution et au vu des tensions qui ont émaillé le début du confinement. « Il y a eu des échauffourées, un soir, raconte le pharmacien installé aux abords des Amaryllis. C’est moins facile à vivre pour les gens qu’avec un jardin, c’est logique. Aujourd’hui, il y a beaucoup de personnes âgées qui ont gardé le même rythme qu’avant. Mais à 18 heures, il n’y a plus personne et on n’a jamais été embêté. Par contre, dans la cité, on voit plus d’entraide : des gens qui prennent les ordonnances pour les autres. »
« Les enfants n’ont pas été laissés dehors »
« Il ne faut pas retenir que la place des Amaryllis, insiste Karim Benahmed. Il y a parfois 100 à 150 personnes, mais aux Moulins, il y a 9 000 habitants. Il faut saluer la grande majorité des familles du quartier qui ont respecté les mesures. Avec, notamment, les enfants qui n’ont pas été laissés dehors, ou quasiment pas. »
La solidarité, c’est ce qui a fait de ce jeune homme une des figures du quartier. Pour le confinement, le directeur d’Adam, et colistier de Christian Estrosi aux dernières élections municipales, a dû repenser l’organisation de son association, d’ordinaire tournée vers l’insertion professionnelle ou l’animation. Sur la vingtaine de salariés, seuls cinq ne sont pas en chômage partiel. Par exemple, l’épicerie sociale, avenue de la Méditerranée, où les bénéficiaires avaient l’habitude de se procurer des denrées à 10 % de leur valeur, n’est plus ouverte tous les jours, mais une fois par semaine. Au programme : distribution de colis d’urgence. « Au début, on avait tout fermé, retrace le jeune directeur. Puis on s’est dit qu’une association telle que la nôtre, avec 700 000 euros de budget, se devait d’avoir un service minimum, sachant qu’on est les seuls acteurs présents sur ces territoires. Le déclic a eu lieu quand une maman est venue nous voir, morte d’inquiétude de ne pas pouvoir nourrir ses enfants pendant le confinement. »
« On est comme en deuil »