Monaco-Matin

Aux Moulins, « c’est moins facile à vivre » confiné

Dans ce quartier prioritair­e de qui a fait parler de lui au début de la quarantain­e, la population prend son mal en patience. Même si la place des Amaryllis reste très fréquentée

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

Place des Amaryllis, le seul véritable lieu de vie des Moulins. On y trouve tous les commerces de première nécessité : tabac, boucherie, boulangeri­e, pharmacie… Il y a vite un effet foule sur cette placette, au centre de ce quartier prioritair­e de Nice, où vivent 9 000 habitants. Des files se forment à l’extérieur des magasins, qui ont mis en oeuvre les dispositif­s nécessaire­s. « C’est compliqué de tout mettre en place, prie de croire le pharmacien. Les gens demandent des masques et de la chloroquin­e, il y a beaucoup d’attentes. Il y a quelques incivilité­s à l’intérieur, mais comme partout en France. » « Au début, c’était compliqué, concède Moussa Zriouil, le boulanger. Maintenant, ça se passe bien, les clients rentrent un par un. Mais les gens s’inquiètent du monde qu’il y a sur la place. »

«Çasevend comme du beurre »

Le maire, Christian Estrosi, a inclus la place des Amaryllis parmi les neuf secteurs concernés par l’arrêté couvrefeu (lire en page ci-contre). Motif : non-respect du confinemen­t. Il faut dire qu’ici, même en cette fin de matinée, il y a du monde. Les anciens préemptent les bancs pour tailler le bout de gras. Et un groupe de jeunes s’affairent à leur « business », comme le dit un ado. «Ça, c’est l’herbe, décrypte un petit vieux masqué au regard rieur. Ça se vend comme du beurre ! C’est ça qu’on a aux Moulins. Et si la police vient, ffffuit ! Ils disparaiss­ent tous. »

Ce retraité assure ne faire ses courses qu’une fois par semaine. Il en profite pour saluer des amis. Après avoir pris une amende, il a retenu la leçon : « on a le droit à

Malika Saadaoui,  ans, fait partie des bénéficiai­res des colis d’urgence distribués par l’associatio­n Adam : « Après le loyer, il me reste peu d’argent pour acheter à manger. » Comme de nombreux habitants des Moulins, le confinemen­t est une épreuve : «Onest comme en deuil. On a l’habitude de sortir parler avec les amis, Malika Saadaoui,  ans. d’aller chez eux.

Maintenant, je ne vois plus personne. Je regarde la télé et je fais le ménage, mais j’en ai marre. Regarde ce que l’eau de javel a fait à mes mains… » Autre inquiétude, grandissan­te : « Pour nous, c’est bientôt le ramadan. Mais on ne peut pas aller à la mosquée. » une heure de sortie par jour. » « La plupart des gens que vous voyez sur la place sont à la retraite, ou au chômage, élargit-il. Ils s’ennuient à la maison. Parce qu’en plus, il n’y a plus de travail au noir. Avant, ils pouvaient donner un coup de main sur les chantiers, bricoler, faire de la peinture… »

Les trois pharmacies du quartier se sont accordées pour fermer une heure plus tôt, le soir. Par précaution et au vu des tensions qui ont émaillé le début du confinemen­t. « Il y a eu des échauffour­ées, un soir, raconte le pharmacien installé aux abords des Amaryllis. C’est moins facile à vivre pour les gens qu’avec un jardin, c’est logique. Aujourd’hui, il y a beaucoup de personnes âgées qui ont gardé le même rythme qu’avant. Mais à 18 heures, il n’y a plus personne et on n’a jamais été embêté. Par contre, dans la cité, on voit plus d’entraide : des gens qui prennent les ordonnance­s pour les autres. »

« Les enfants n’ont pas été laissés dehors »

« Il ne faut pas retenir que la place des Amaryllis, insiste Karim Benahmed. Il y a parfois 100 à 150 personnes, mais aux Moulins, il y a 9 000 habitants. Il faut saluer la grande majorité des familles du quartier qui ont respecté les mesures. Avec, notamment, les enfants qui n’ont pas été laissés dehors, ou quasiment pas. »

La solidarité, c’est ce qui a fait de ce jeune homme une des figures du quartier. Pour le confinemen­t, le directeur d’Adam, et colistier de Christian Estrosi aux dernières élections municipale­s, a dû repenser l’organisati­on de son associatio­n, d’ordinaire tournée vers l’insertion profession­nelle ou l’animation. Sur la vingtaine de salariés, seuls cinq ne sont pas en chômage partiel. Par exemple, l’épicerie sociale, avenue de la Méditerran­ée, où les bénéficiai­res avaient l’habitude de se procurer des denrées à 10 % de leur valeur, n’est plus ouverte tous les jours, mais une fois par semaine. Au programme : distributi­on de colis d’urgence. « Au début, on avait tout fermé, retrace le jeune directeur. Puis on s’est dit qu’une associatio­n telle que la nôtre, avec 700 000 euros de budget, se devait d’avoir un service minimum, sachant qu’on est les seuls acteurs présents sur ces territoire­s. Le déclic a eu lieu quand une maman est venue nous voir, morte d’inquiétude de ne pas pouvoir nourrir ses enfants pendant le confinemen­t. »

« On est comme en deuil »

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(Photos Dylan Meiffret) L’associatio­n Adam a dû modifier ses activités pour conserver un service minimum.
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