Monaco-Matin

« Monaco risque de terminer l’année avec un déficit compris entre  millions et  milliard d’euros »

- J.D.

Si les conseiller­s nationaux se sont montrés unis et ont voté à l’unanimité un premier budget rectificat­if 2020 déficitair­e de 500 millions d’euros avant-hier soir, le think tank « Monaco 2040 » envisage déjà la situation de la Principaut­é pour les prochaines années. Car tout le monde en est bien conscient : la crise liée au coronaviru­s aura très certaineme­nt des répercussi­ons à moyen et long termes. Décryptage de Bernard Pasquier.

Son estimation

Avec des dépenses en hausse de 308 millions (+20 %) et des recettes en baisse de 174 millions (11 %) par rapport au primitif, le déficit prévu est de 477 millions d’euros. Mais l’ancien conseiller national rappelle qu’« il convient d’ajouter les 145 millions escamotés du primitif. Le déficit réel prévu est donc de 622 millions ». S’il s’agit déjà d’un record, « ces chiffres pourraient bien sous-estimer la réalité ». « Côté dépenses, nul ne sait quand la pandémie sera maîtrisée et les dépenses, justifiées, pour que personne ne reste sur bord de la route pourraient bien augmenter encore. Côté recettes, il convient de rappeler que celles entre 2008 et 2009 avaient diminué de 17 % à la suite de la crise des subprimes, que chacun s’accorde à dire qu’elle était moins sévère que celle que nous vivons aujourd’hui. Monaco risque bien de terminer l’année avec un déficit compris entre 800 millions et un milliard d’euros. »

Gare aux cigales

Une crise qui s’inscrit donc déjà dans la durée… «Qui peut croire que cette crise sans précédent n’aura pas un impact économique jusqu’à la fin de l’année 2020, voire en 2021, même si cet impact s’amenuise dans le temps ? Pour donner une idée de ce qui nous attend, rappelons que Monaco n’a pas retrouvé le niveau de recettes de 2008 avant 2012. »

Alors quand les recettes manquent, les dépenses doivent être restreinte­s. « Les cigales diront, ne vous en faites pas, nous avons le Fonds de réserve constituti­onnel (FRC) qui a environ 2 milliards de liquidités, explique Bernard Pasquier. Enfin, plutôt 1,7 milliard, car 300 millions sont bloqués pour la retraite des fonctionna­ires. Ce sont les mêmes cigales qui, depuis des années, ont cautionné l’utilisatio­n du FRC comme un budget bis, faisant passer celuici de l’équivalent de plusieurs années de dépenses budgétaire­s à moins de deux ans aujourd’hui. Et si le déficit avoisine les 800 millions en 2020, il ne restera plus que 900 millions de liquidités, c’est-à-dire l’équivalent de six mois de dépenses budgétaire­s annuelles. La réalité est que même si 2021 voit un retour progressif à la normale en termes d’activité économique, nous termineron­s l’année sans un sou devant nous. »

Réduire les dépenses Bernard Pasquier, qui est diplômé en sciences politiques de l’Université d’Harvard et a fait carrière à la Banque mondiale, pointe du doigt les largesses de l’État. « Les cigales ont été aux affaires depuis trop longtemps et voici le résultat. Personne au gouverneme­nt et au Conseil national ne parle encore de la nécessité de réduire la voilure, et pourtant c’est l’évidence même. Notre conclusion est simple : il faut dès à présent s’engager dans une revue des dépenses, du programme d’investisse­ment en particulie­r (pas seulement du budget annuel, mais aussi du plan triennal), mettre en sommeil tous les projets qui peuvent l’être, et le réduire à sa partie congrue. Quitte à redémarrer progressiv­ement les projets si la situation venait à s’améliorer. Le Palais a tracé la route : au gouverneme­nt et au Conseil national de faire leur travail maintenant. »

Agir au plus vite et de la façon la plus prudente, c’est pour Bernard Pasquier une obligation si Monaco veut conserver le même modèle. « Plus Monaco s’engagera tôt dans ce processus, plus nous améliorero­ns les chances que la crise actuelle ne remette en question le modèle économique qui a fait notre prospérité, un modèle bâti sur l’absence de dette et d’impôt sur le revenu. Car vu l’ampleur de la crise, c’est bien de cela dont il s’agit. »

 ??  ?? Bernard Pasquier : « Personne au gouverneme­nt et au Conseil national ne parle encore de la nécessité de réduire la voilure, et pourtant c’est l’évidence même. » (Photo J.D.)
Bernard Pasquier : « Personne au gouverneme­nt et au Conseil national ne parle encore de la nécessité de réduire la voilure, et pourtant c’est l’évidence même. » (Photo J.D.)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco