Monaco-Matin

L’histoire de Love to Love You Baby

Vague de chaleur dans les discothèqu­es en 1975, avec ce titre ultra-sensuel, porté par la voix et les râles de Donna Summer, avec Giorgio Moroder aux manettes. Leur carrière était lancée

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

On ne vous attribue pas le surnom de « Queen of the Disco » pour rien, même si certains réserveron­t plus volontiers ce titre à Diana Ross ou Gloria Gaynor. Disparue à l’âge de 63 ans, en 2012, Donna Summer, née Andrea Gaines, a vendu 130 millions d’albums et glané cinq Grammy Awards. Plusieurs de ses chansons comme Hot Stuff, I Feel Love, She Works Hard for the Money ou encore Last Dance ont marqué des génération­s entières. Mais s’il ne devait en rester qu’une, ce serait celle-là. Love to Love You Baby. La plus sulfureuse, la plus populaire, celle qui va marquer l’avènement du disco.

Hair et moustache

Après avoir quitté Boston pour s’installer à New York, la jeune Andrea a le sentiment de ne pas vraiment avancer. Une audition pour la version allemande de Hair va l’envoyer en Europe. Avec la troupe de cette comédie musicale, elle se retrouve à Vienne, en Autriche. Puis, avec son mari, elle pose ses valises à Munich, où elle enregistre un premier disque (Sally Go ‘Round The Roses, 1971). En Bavière, elle fait la connaissan­ce de deux producteur­s, l’Anglais Pete Bellotte et l’Italien d’origine allemande Giorgio Moroder. C’est Giorgio, l’homme à la moustache et aux solaires noires, qui lui dégotera son pseudo. En 1974, le trio se met en jambes avec une première collaborat­ion, sur le single The Hostage. Avant de passer aux choses sérieuses l’année suivante.

Râles dans le noir

Moroder avait noté que Je t’aime, moi non plus, de Serge Gainsbourg et Jane Birkin, sorti en 1969, se vendait encore bien en Angleterre. Amusée, Donna Summer aimerait avoir sa propre « chanson d’amour ». Elle écrit les paroles d’un morceau, qui s’appelle alors

Love to Love You. Au départ, elle comptait seulement enregistre­r une démo, puis laisser à une autre le soin d’alterner murmures, gémissemen­ts et râles sur une instrument­ation lente et bouillonna­nte. Mais celle qui a appris à chanter dans les églises est envoyée au feu. Le studio est plongé dans le noir, elle s’allonge «lamain sur le genou ». Elle dit s’être inspirée du côté mutin de Marilyn Monroe. Et de son « incroyable » nouveau petit copain, Peter. Sa prestation prend la forme de 3 minutes et 20 secondes sacrément hot. Alors, heureuse, Donna ? « Au début, je ne voulais pas l’écouter. Quand j’ai entendu quelques ooh, aah, je suis devenue bleue ! Mais ça ne me dérange plus », déclarera Miss Summer au magazine Rolling Stone. Le morceau sort ainsi en juin 1975, aux Pays-Bas, où il connaît un succès modéré. Pour Moroder, en tout cas, c’était un moyen de tester pour la première fois la recette du Four-on-the-floor. « Un kick sur chaque mesure. Ensuite, des cymbales qui relancent. Et, bien entendu, une bonne ligne de basse. Puis tu rajoutes une mélodie, simple ou complexe. Là, elle était simple », détaillait ce bon Giorgio.

Plus c’est long...

Jugeant la chanson trop obscène, de nombreuses radios la banniront de leurs ondes. Pas suffisant pour empêcher son sacre, de l’autre côté de l’Atlantique, puis à travers le monde. Moroder fait passer un enregistre­ment à Neil Bogart. Le boss de Casablanca Records, qui sera au centre de la déferlante disco et de ses excès en tous genres, le diffuse durant une fête. « D’un seul coup, l’atmosphère avait changé, dans toute la pièce », expliquera Bogart. Les corps se rapprochen­t, tout le monde danse avec tout le monde. Et on lui demande de remettre le disque, encore et encore.

L’Américain se précipite sur le téléphone et réclame une version longue. De 20 minutes. Moroder le prend pour un fou, mais tente de répondre à sa demande et met en boîte un edit de 16 minutes 50. Celui qui va propulser Donna Summer à la deuxième place du Billboard Hot 100, créer des entrelacem­ents moites dans les clubs gays de New York ou Los Angeles et générer un million de ventes pour Love to Love You Baby (et 500 000 pour l’album du même nom). Lors d’une tournée promotionn­elle de deux mois et demi, elle aura tout loisir de mesurer l’effet de son air disco. «Lepublic gémissait bien plus fort que moi ! » Craignant d’être enfermée éternellem­ent dans son rôle de « première dame de l’amour », elle finira par ne plus vouloir jouer son hit en public. Avant de lui laisser une seconde chance, dans la dernière ligne droite de sa carrière.

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