En direct de chez... Anthony Lanneretonne
Ils sont acteurs de la vie culturelle de la région, en attendant de nous retrouver en vrai, ils nous parlent depuis leur confinement…
Photographe basé à Nice, Anthony Lanneretonne est spécialisé dans les clichés culinaires.
« Je me souviens du samedi mars. Je suis rentré d’une promenade avec mon fils, la gorge serrée. Ma femme et moi avons décidé, pour nous-mêmes et surtout pour nos enfants, de maintenir une vie normale. Enfin rythmée… La première semaine, je la passe le ventre noué. La suivante, je souffle et renoue avec l’envie, la vie. Après l’angoisse de la maladie, la peur de ne plus avoir de commandes. Je me plonge dans mes archives, scanne de vieux
Ektas et négatifs. Ce qui me frappe le plus, c’est la facilité que j’ai à me pencher sur mon travail personnel, moi qui y suis longtemps resté réfractaire. Ne plus pouvoir sortir est une contrainte pour un photographe. Mais “de la contrainte naît la liberté”, si je me rappelle bien le sujet de mon bac philo... Il faut être encore et toujours bienveillant. Et puis se faire plaisir, bien manger : merci Paysans, SL Épicerie et Jean de la Tomate ! Voyant tous mes copains chefs ou restaurateurs à l’arrêt, j’ai envie, modestement, de leur donner un peu de visibilité sur mon compte Instagram (@anthonylanneretonne), donner envie à mes abonnés de retourner les visiter dès que possible. Je fouille dans ma série Un plat, un chef. Je poste mes coups de coeur, de Menton à Saint-Tropez, du bistrot au gastronomique. Je passe un temps fou à appeler mes proches et à écrire des emails. Je veux savoir si tout le monde va bien à Nice, Paris, Kinshasa, Bordeaux, New York, Londres ou Cantaron. Après quinze jours sans pouvoir lire une ligne, je relis enfin et revis. J’ai fini un vieux Ed McBain et je me suis plongé avec délice dans Les Soprano, série sur laquelle j’avais fait l’impasse. Je me demande bien pourquoi… Ce confinement ressemble à des montagnes russes émotionnelles. Des jours avec et d’autres sans. Mais il faut tenir la barre pour les enfants. Ils m’aident beaucoup, ma femme aussi. Malgré quelques querelles, les petits sont exemplaires. Ils ont fêté leur anniversaire le mars. Drôle de journée.
J’ai l’impression d’avoir pris trois kilos et cinq ans. Les semaines s’enchaînent. Le temps s’étire... Allez, je vous laisse et m’en retourne lire La Ferme africaine, de Karen Blixen. »