Monaco-Matin

Pour une dernière danse

Depuis lundi, à raison de deux épisodes par semaine, Netflix propose un documentai­re unique sur la dernière saison de Michael Jordan aux Bulls de Chicago en 1997-1998. Une merveille

- MATHIEU FAURE tous les lundis sur Netflix jusqu’au 18 mai.

L’attente suscitée par les différents trailers de « The last dance » depuis plus d’un an n’a pas résisté à l’épidémie de Covid-19.

Au départ, le documentai­re produit par ESPN et Netflix concernant la dernière saison de Michael Jordan aux Bulls de Chicago en 1997-1998 devait être diffusé en juin, durant les finales NBA. Mais l’ordre mondial a été bouleversé et le championna­t de basket américain, comme le reste de la planète, est à l’arrêt.

Alors le documentai­re de dix épisodes a été lancé en grande pompe sur Netflix lundi dernier avec la diffusion des deux premiers épisodes. À raison de deux par semaine, la conquête du sixième et dernier titre NBA de Michael Jordan à Chicago s’étendra jusqu’au lundi 18 mai. C’est tout simplement une série unique que dévoile Netflix. La raison ? La rareté. En 1997, pour la première fois de son histoire une franchise NBA accepte qu’une équipe de télévision suive l’intégralit­é de la saison en coulisses. Sauf que les 500 heures de films n’ont jamais été exploitées pour différente­s raisons. On parle pourtant d’une saison historique, car il s’agit de la dernière de Michael Jordan aux Bulls, la der aussi du carré d’AS Jordan-Pippen-RodmanJack­son. C’est la fin d’une dynastie, celle de la plus grande franchise des années 90, qui va remporter six titres en huit ans.

Une saison qui se termine par un nouveau titre, gagné en finale contre Utah avec le fameux « shot » de MJ. Le plus grand sportif de l’histoire quitte les Bulls sur un tir victorieux en finale NBA, panier qui donne un troisième titre de rang à Chicago. Ça vous résume parfaiteme­nt le bonhomme.

Mais attention, « The last dance » n’est pas un documentai­re sur Jordan. Enfin, pas que. On y découvre l’intérieur d’une franchise qui reste sur deux titres et des records à la pelle, dont celui de 72 victoires en saison régulière en 1996.

Mais à l’aube de la saison 19971998, Chicago s’apprête à exploser. Le GM (General Manager) Jerry Krause, personnage incontourn­able dans la constructi­on des Bulls mais détesté par l’intégralit­é de ses joueurs, souhaite tout reconstrui­re. De facto, il veut détruire l’équipe pour entamer un nouveau cycle. Jordan, Pippen, Rodman, Jackson sont en fin de contrat. C’est donc l’histoire d’une équipe qui s’avance pour une dernière saison. Tout le monde sait que l’histoire touche à sa fin. Le premier épisode s’ouvre sur Michael Jordan, seul dans sa maison de Floride, scrutant le rivage. Les yeux sont rougis. Car l’icône a replongé dans ses souvenirs pendant plusieurs heures face à la caméra. Une rareté pour celui qui n’avait plus donné aucune interview depuis 2013.

Si le documentai­re a vu le jour, c’est parce que Jordan, Dieu, a donné son aval pour déterrer les rushs de 1997-1998. Avec lui, tout est question de compétitio­n. Alors quand en 2016 il regarde la parade victorieus­e des Cavaliers de LeBron James, il sent que son « héritier » est en train d’écrire une page historique en NBA. Il est donc temps de reprendre la main. Jordan s’ouvre, parle, livre des anecdotes et nous emmène au coeur d’un groupe en train d’exploser. Avec le recul, on se demande comment une équipe aussi tiraillée par ses propres démons a pu aller au bout. Outre le démantèlem­ent programmé, Rodman est rattrapé par ses éternels vices, Pippen - sixième salaire de l’équipe et 122e joueur le mieux payé de la Ligue... - boude et menace de ne plus jouer pour les Bulls. Phil Jackson, le coach mythique et Jerry Krause ne se parlent plus. Alors Jordan se retrouve seul, à 34 ans, et doit faire le dos rond pendant plusieurs semaines pour garder l’équipe compétitiv­e. Face caméra, des pointures s’expriment puisque toute l’équipe à l’exception de Jerry Krause (décédé en 2017) se livre sur les coulisses de cette saison.

Mais les intervenan­ts extérieurs sont nombreux et de qualité, preuve en est avec Barack Obama et Bill Clinton qui intervienn­ent lors des deux premiers épisodes, excusez du peu.

Avec des images jamais vues jusqu’ici et les confession­s de tous les protagonis­tes, on se retrouve face à une mine d’or en termes d’images, de confession­s, de mise en perspectiv­e. De nombreux flash-backs sont nécessaire­s pour comprendre cette équipe mais surtout disséquer Michael Jordan. Homme de défi, assoiffé de victoires et constammen­t tyrannique avec ses propres coéquipier­s, Jordan est un gagneur né.

Une rage de vaincre issue de sa propre enfance. Son père James assassiné en 1993 - a pendant longtemps préféré son grand frère Larry, basketteur amateur. Petit, Michael n’avait qu’un seul objectif, battre son frère en un contre un pour attirer l’attention de son père. Un paternel qui a vite compris comment fonctionna­it son fils : il faut le titiller pour qu’il élève son niveau d’exigence. Comme cette fois où dans la maison familiale de Caroline du Nord, il méprise son fils car il n’est pas capable de faire la différence entre un tournevis et une clé à molette. Jordan a grandi comme ça. Avec l’idée obsessionn­elle de devoir toujours faire plus. Toujours gagner plus. Chaque match. Chaque point. Chaque entraîneme­nt. Alors, même quand il débarque avec une équipe des Bulls remaniée à Paris en octobre 1997 pour un tournoi d’exhibition, il n’est pas là pour enjamber les flaques d’eau. Ce monstre de compétitiv­ité au sang froid raconte, plus de 20 ans après, comment cette équipe qui se savait condamnée à vivre ses dernières heures s’est soudée pour gagner un dernier titre. Ensemble.

Et comme Jordan ne fait pas les choses à moitié, la star a décidé de ne toucher aucune recette sur le documentai­re malgré le carton d’audience aux USA pour les deux premiers épisodes. MJ a tout simplement décidé de reverser l’intégralit­é de la somme (entre 3 et 4 millions de dollars) à des oeuvres caritative­s.

Un tyran mais surtout un seigneur.

Jordan tient le cap dans le désert

The last dance,

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