Monaco-Matin

Mylène Demongeot : « Ce n’était pas mon heure »

L’actrice niçoise, qui a vécu à Porqueroll­es, a passé près d’un mois entre la vie et la mort après avoir contracté le Covid-19. Elle se reconstrui­t doucement en Mayenne après sa sortie de l’hôpital

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS BAILLE

Au téléphone, la voix fait plaisir à entendre. Mylène Demongeot parle avec clarté, plaisante. Le bonheur de vivre est palpable. Il faut dire que l’actrice revient de très loin. Mi-mars, alors qu’elle est en plein tournage d’une comédie réalisée par Thomas Gilou, aux côtés de Gérard Depardieu, Kev Adams, Marthe Villalonga et Daniel Prévost, la France est mise sous cloche pour cause de confinemen­t. Mylène Demongeot, 84 ans, ne se sent pas bien. C’est déjà très affaiblie qu’elle regagne sa ferme en Mayenne. Sa santé se dégrade. La fièvre atteint les 40°. Direction les urgences au centre hospitalie­r de Laval. Verdict : Covid-19. Commence alors une descente aux enfers. Entre la vie et la mort, elle lutte jour et nuit. Pour les médecins, elle est condamnée. Mais c’est mal la connaître ! Forte tête et volonté de fer. Le 9 avril au matin, elle est sauvée et quitte l’hôpital pour rejoindre sa ferme et entamer une longue convalesce­nce auprès de ses animaux.

Vous avez été atteinte par le Covid- de façon très violente. Comment avez-vous surmonté cette maladie ?

Ce n’est pas moi qui ai surmonté la maladie, c’est mon organisme ! Quand le docteur m’a reçu à l’hôpital alors que j’étais à moitié inconscien­te, il m’a dit qu’il était très pessimiste sur mon état de santé. Je me souviens lui avoir répondu : « Moi, non ». À partir de ce moment-là, je me suis dit que cette maladie ne m’aurait pas ! J’ai fait un retour en arrière sur ma vie. Je me suis rendu compte que tout ce qui m’est arrivé depuis , en commençant par cette histoire d’escroqueri­e financière où j’ai mis six ans pour voir le bout du tunnel, m’a épuisé. Je pense que ce fut le commenceme­nt de toutes mes maladies comme mes cancers (celui du colon et plus tard celui du péritoine) qui découlent de cette affaire. Avec ma tête, je luttais très bien, hélas mon corps ne suivait pas, mais je m’en suis toujours sortie. En revanche, depuis un an, je suis rapidement essoufflée. Donc, ce n’est pas étonnant que le corona… machin me soit tombé dessus.

Ce qui m’inquiète avec cette épidémie, c’est qu’on parle d’une deuxième vague. Alors, je voudrais bien qu’elle me laisse le temps de récupérer toutes mes forces au cas où elle reviendrai­t me chercher. Car aujourd’hui, mes jambes me font mal, mes chevilles me font mal et mes pieds me font mal ! J’aimerais quand même pouvoir finir le film que j’étais en train de tourner.

À quoi pense-t-on quand on est si près de la mort ?

Au début, je ne pensais à rien du tout parce que j’avais des trains de marchandis­es dans la tête. J’entendais pendant des heures entières le bruit incessant des wagons qui circulent sur les voies de chemin fer. Je me suis dit, mais je suis en route pour Auschwitz,

‘‘ ma parole !

J’avais beaucoup d’images étranges qui me traversaie­nt l’esprit. Je n’avais aucune distractio­n, à part la télévision. D’ailleurs, je peux vous dire que la télévision française est d’un niveau bien

bas, à part Arte ! Je me suis bien amusée avec l’émission Affaire conclue de Sophie Davant. J’irais d’ailleurs vendre des trucs à moi quand je serais guérie ! En fait, les médecins étaient très inquiets, mais pas moi. Je me suis toujours dit que ce n’était pas mon heure, pas maintenant. J’ai encore pas mal de choses à faire. Il ne faut jamais baisser les bras !

Comment se passe votre convalesce­nce dans votre ferme en Mayenne ?

Le matin, j’essaye de bouger le plus possible, de faire un peu d’exercice. Généraleme­nt, après avoir déjeuné, je suis très fatiguée et je me recouche pour faire la sieste. L’après-midi, je regarde des séries à la télé, je lis, mais je suis vite épuisée. Je ne peux pas bénéficier de soins car je suis confinée. Je dois bientôt retourner à l’hôpital pour voir le médecin de Laval. Je lui demanderai d’avoir l’autorisati­on de sortir pour consulter un kiné. Il faut que je récupère des muscles, mon corps est devenu complèteme­nt ramollo. J’aurais même besoin d’une bonne coupe de cheveux !

Justement, revenons à votre tournage, avant le confinemen­t. Pouvez-vous nous parler de cette comédie réalisée par Thomas Gilou ?

C’est une comédie vraiment extra. Quand j’ai lu le scénario, je l’ai trouvé drôle, formidable, tendre. C’est sur une idée de Kev Adams. Il l’avait mise de côté dans ses tiroirs. Il a rencontré la scénariste Catherine Diament et ils ont conçu le scénario à quatre mains. Le réalisateu­r, Thomas Gilou, a tenu à ce que je fasse partie de l’équipe du film, comme Gérard Depardieu. J’étais enchantée. Il y a les jeunes acteurs et les vieux comme moi, Gérard, Marthe Villalonga et

Daniel Prévost… Pour l’histoire du film : c’est un petit gars, un révolté de la société. Il a le choix entre aller en prison ou faire un boulot d’intérêt général. Malheureus­ement, on le balance dans un Ehpad, lui qui a horreur des vieux. Il se retrouve obligé de vivre avec eux. C’est une sacrée leçon de vie. J’ai eu ma petite larmichett­e à la fin… Il faut que le tournage reprenne car on est à la moitié du film, c’est trop bien. Ils vont avoir du boulot avec moi, car j’ai perdu  kg entre-temps. Peut-être que l’on me mettra du coton dans les joues !

Durant votre carrière, quels sont les films qui vous ont le plus marquée ?

Pendant que j’étais à l’hôpital, j’ai beaucoup repensé à ce film merveilleu­x que très peu de gens ont vu mais que j’aime, Les Toits de Paris avec Michel Piccoli. Quand l’infirmière venait aérer ma chambre et laisser la fenêtre ouverte, je grelottais. C’est exactement ce qui se passe dans le film… Ce que j’apprécie avant tout, c’est quand les gens m’interpelle­nt en me disant : j’adore Les Trois Mousquetai­res, j’adore Fantômas, J’adore Camping. D’ailleurs, il y a toute une jeune génération qui me connaît uniquement à travers Camping. Cela me fait bien rigoler. Comme quoi, la gloire est bien éphémère. Que reste-t-il de nous, les anciens comédiens ? De Funès ? Comme disait Galabru, grâce à lui, on n’est pas encore tombé dans l’oubli.

Il ne faut jamais baisser les bras”

‘‘

La gloire est bien éphémère”

Souvenirs, souvenirs. Porqueroll­es et Marc Simenon…

Ce furent des années magnifique­s avec Marc. Quand il a commencé à travailler comme réalisateu­r, je le soutenais avec beaucoup d’énergie. Ensuite, on a eu des moments merveilleu­x quand nous sommes arrivés à Porqueroll­es en . Mais j’ai compris une chose avec le temps, c’est qu’il faut accepter les gens comme ils sont, ne pas essayer de les transforme­r, cela ne marche jamais. J’aurais aimé qu’il soit plus ambitieux, qu’il ait envie de mieux faire, mais Marc n’avait pas cette volonté. Alors le mieux, c’était de lui foutre la paix !Pour revenir à Porqueroll­es, j’ai souvent au téléphone mon amie Michèle Dard qui vit encore là-bas. Sachez que nous sommes folles de joie de l’impact du confinemen­t sur l’île. La mer se repose, les dauphins sont proches des plages, la nature est propre et belle. C’est un moment de répit pour les animaux. Il faut instaurer un quota de visiteurs pour préserver ce joyau de la Méditerran­ée, comme cela va être mis en place pour Venise. Le profit, ça va bien, mais jusqu’à un certain point. Il n’y a pas que le pognon dans la vie ! J’espère que cette pandémie va nous faire réfléchir sur notre façon de vivre. Revenir à plus d’humilité.

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