« Pas les moyens d’acheter un ordinateur à mon fils »
L’école à la maison menace de creuser un peu plus le fossé scolaire. A pour lutter contre le risque de décrochage, l’association la Semeuse lance un appel aux dons et au bénévolat
Depuis le 16 mars, écoliers, collégiens et lycéens étudient chez eux. « Ce n’est pas évident de suivre l’école à la maison quand on n’est pas équipé mais aussi quand les parents ne sont pas en mesure d’aider leurs enfants », pointe Christophe Tassano, directeur de La Semeuse, association d’éducation populaire niçoise qui propose soutien scolaire et aide aux devoirs.
À Nice, comme partout en France, le risque que le fossé scolaire se creuse avec le confinement préoccupe parents et enseignants. Ces derniers n’arrivent pas à joindre entre «5et8%» de leurs élèves depuis le début du confinement. Une estimation donnée par JeanMichel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, le 31 mars. Comment répondre à la fracture numérique, aux besoins en matériel et en suivi scolaire de certaines familles ?
Pour éviter le décrochage, l’association La Semeuse se mobilise. Sur plusieurs fronts. Vendredi 3 avril, l’association a lancé un appel aux dons de matériel informatique pour lutter contre l’exclusion numérique.
« Ça fait chaud au coeur cette solidarité »
« On a déjà récupéré une vingtaine d’ordinateurs et de tablettes », soulignait Christophe Tassano, espérant en recevoir davantage. Au siège de l’association, dans le
Vieux-Nice, le matériel est réinitialisé, contrôlé par un bénévole, ancien salarié de Lucent technologies.
Ainsi Rayan, 12 ans, a été l’un des premiers bénéficiaires de cette chaîne de solidarité. Lundi 6 avril, ce collégien de 6e a pu se connecter et se replonger dans les cours. « Depuis deux semaines, je cherchais quelqu’un pour me dépanner, raconte Ayoub, son père. Je suis intérimaire dans la restauration, j’ai eu des difficultés de boulot et c’est un peu compliqué pour moi. Je n’ai pas les moyens pour acheter un ordinateur. »
Il se tourne alors vers La Semeuse où son fils suit, depuis le début de l’année scolaire, l’aide aux devoirs.
« Grâce à eux Rayan a un petit ordi. Il a pu raccrocher avec les cours. Je suis rassuré, parce qu’il avait pris du retard. Il a été malade avant le confinement. » Pour les devoirs, Ayoub avoue que ce n’est pas toujours facile d’accompagner son fils : « Quand je sèche un peu, j’appelle les bénévoles de l’aide aux devoirs. Ils sont toujours disponibles et je les en remercie. Ça fait chaud au coeur cette solidarité. »
« Redoubler d’efforts »
Jacqueline est l’une de ces bénévoles qui donnent du temps à ceux qui en ont besoin. Chaque
jour, matin et après-midi, elle « fait la classe » par téléphone à Aimée et Jérémy, 9 ans. « Je connais bien la famille, je les suis à l’aide aux devoirs, pose-t-elle. La maman s’occupe seule de ses jumeaux et elle ne maîtrise pas bien le français. » Alors, quand le confinement a été annoncé, cette institutrice à la retraite a pris les devants. Elle leur a aussi prêté une tablette pour qu’ils puissent regarder des vidéos pédagogiques. Sa récompense : voir les écoliers progresser. « Ils s’accrochent, sont très assidus et ils comblent leurs lacunes. Ils ont fait de beaux progrès. Bon, c’est vrai qu’ils se chipotent un peu. Mais être confiné dans
30 m2 quand on a 9 ans… »
Mais Jacqueline pense déjà à l’après. « Quand on va déconfiner, nous aurons besoin de beaucoup de bénévoles pour aider les enfants à rattraper leur retard. Il faudra redoubler d’efforts pour les remettre dans le rythme. Notamment ceux qui auront passé leurs journées rivés aux écrans et à leur PlayStation. Je crains qu’ils ressortent saturés d’images et aient des difficultés à se concentrer. »
Mais Jacqueline sera au rendezvous. « On devra se retrousser les manches et dans tous les domaines!»