Tireurs sans cible
Habitués à prendre des tirs à trois points, les shooteurs sont privés d’entraînement, de répétitions de tirs. Comment le vivent-ils ?
Ils sont privés de ce qu’ils préfèrent. De ce qui les passionne. Les anime. Bloqués à la maison comme l’ensemble de la population, les basketteurs professionnels tentent de bricoler pour garder la forme. Mais certains n’ont pas le loisir de toucher le ballon et l’allongement de la période de confinement n’est pas faite pour les rassurer. Les shooteurs en premier lieu. Réglés au millimètre et habitués à enchaîner les paniers, ces joueurs d’impact se retrouvent sans rien ou presque et ne peuvent plus réciter leurs gammes. « J’ai de quoi m’entretenir physiquement, mais niveau basket c’est limité, regrette l’ailier antibois Romuald Morency, adroit de loin cette saison en Pro B (39,5 %). Je ne peux pas toucher un ballon, je n’ai pas de panier à disposition... Pour travailler le shoot c’est compliqué. C’est assez frustrant. »
Visualiser pour mieux shooter
Forcément contraignant pour un sport d’adresse et de confiance. « J’ai l’impression de stagner et de régresser, souffle-t-il. Cette année, j’ai beaucoup bossé techniquement et ça m’a mis en confiance sur le plan mental. »
Réputé pour sa capacité à dégainer, le Monégasque Yakuba Ouattara fait face au même problème. Le jeune papa n’a pas de ballon à disposition et tente de compenser avec d’autres aspects du jeu. « Je fais de la visualisation, j’imagine que je reçois le ballon et que je vais shooter, développe-t-il, en attendant de pouvoir retrouver ses sensations. Je vais me faire prêter un ballon et peut-être mettre un panier dans mon jardin. Il faut bien qu’il soit à 3.05m de hauteur sinon je vais perdre mes repères. » Ailier passé par Antibes, Paul Rigot était le plus adroit des joueurs de Pro B avec son club d’Evreux (47,7 %) avant la suspension du championnat et ne s’inquiète pas outre mesure. «Ilyen a qui ont besoin de répéter de longues séquences de shoots mais je pense que ça se joue beaucoup dans la tête. Personnellement je fais plus de visualisation mentale que des grosses séries de shoots. » Le tout pour éviter de perdre les quelques repères qu’il reste après un mois sans entraînement.
« Je n’étais jamais resté si longtemps sans toucher un ballon, même pendant l’été je fais forcément quelque chose » appuie Morency. « J’ai un terrain de basket derrière chez moi donc j’y vais de temps en temps pour toucher le ballon, raconte l’ancien Antibois Benjamin Monclar, fort shooteur de Pro B aujourd’hui à Blois. Je n’ai pas l’inquiétude de perdre mon shoot mais j’ai plus peur pour mon dribble. Ça va nous faire tout drôle quand on va revenir sur un terrain ! »