Monaco-Matin

Tout savoir sur... le tube Mistral Gagnant

Sorti en 1985 sur l’album du même nom, ce titre de Renaud fut désigné, en 2015, chanson préférée des Français. Pourtant, on aurait bien pu ne jamais l’entendre

- AMÉLIE MAURETTE Baptiste Vignol Comme un enfant perdu,

Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie et l’aimer même si, le temps est assassin et emporte avec lui, les rires des enfants. Et les Mistrals gagnants… » Avec une chute pareille, on n’a pas de mal à comprendre pourquoi cette chanson de Renaud est l’une des préférées du public parmi toutes celles de son répertoire. Mister Renard, qui sait si bien mettre en musique le paradis perdu de l’enfance et les bonheurs tout simples, le temps qui passe et la mélancolie, s’est surpassé dans ce titre-là. Pas pour rien non plus qu’une enquête BVA, réalisée auprès de nos compatriot­es en avril 2015, l’avait désignée « chanson française préférée de tous les temps » (1). Le morceau s’était placé en tête des trente titres proposés à un panel de Français, devant des monuments du patrimoine musical comme Ne me quitte pas de Brel et L’Aigle noir de Barbara. Et pourtant, pourtant, on a bien failli ne jamais l’entendre.

Quelques mots sur un cahier d’écolier

En 1985, Renaud enregistre ce qui sera son septième album studio à Los Angeles. Le disque comprendra des titres comme Miss Maggie, avec son fameux tacle à Margaret Thatcher qui éclipsera presque la beauté du texte qui l’entoure, ou Tu vas au bal et ses allitérati­ons savoureuse­s. La colère et l’humour, toujours. Mais sa fille Lolita est née cinq ans plus tôt, le blouson noir s’est adouci, et les chansons sur l’enfance se font plus nombreuses. Comme sur l’album précédent, Morgan de toi sorti en 1983, la petite l’inspire. Et puis, seul avec

‘‘ ses musiciens aux États-Unis, sa femme et sa fille restées à Paris, le chanteur a le cafard.

« Nous avons pratiqueme­nt terminé toutes les prises, j’ai hâte de revoir Dominique et Lolita, l’éloignemen­t et la fatigue m’ont mis le moral en berne quand, un aprèsmidi, je me surprends à jeter quelques mots nostalgiqu­es sur mon cahier d’écolier », racontera le chanteur, en 2016, dans son autobiogra­phie (2). Et il commence. Les célèbres bonbons de son enfance, le rire de sa fille. Texte et mélodie en même temps.

Le morceau, comme d’autres, « fait partie de ces chansons que je crée dans un moment de grâce (...). Et cela ne dure pas plus d’une petite heure, c’est dire si ces chansons intimes jaillissen­t du plus profond de moi, du coeur, ou peut-être de l’âme, à supposer que nous ayons une âme. » Au téléphone, Renaud va ensuite chanter sa « petite chanson » àsafemme. Elle adore,lui est dubitatif. « Elle est trop impudique, trop personnell­e. Je te l’offrirais si tu veux mais je ne vais pas l’enregistre­r. (...) Elle me vaudrait des insultes et des cannettes de bière dans la figure. Elle est bien trop tendre. » Incroyable. Réponse de Dominique : « Si tu n’enregistre­s pas cette chanson, je te quitte ». Renaud hésite. Puis donne la partition à ses musiciens. Pour l’orchestrat­ion, le pianiste américain Randy Gurber écoute les consignes du chanteur, qui demande quelque chose d’« enfantin ». L’arrangeur Jean-Philippe Goude imagine la fameuse intro. Mistral gagnant est enregistré­e le lendemain, la veille du retour de la troupe en France. Elle donnera son titre à l’album. Merci Dominique !

Elle est bien trop tendre.”

1. Renaud - Chansons d’enfer,

(Gründ, 2016).

2. Citations extraites de autobiogra­phie, Renaud Séchan (XO Éditions, 2016).

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