Kim Jong-un fait une apparition en public
La télévision d’État nord-coréenne a diffusé hier des images montrant le dictateur inaugurant une usine, sa première sortie publique après des semaines de rumeurs
Après des semaines d’absence ayant nourri de nombreuses rumeurs sur sa santé – certains médias chinois avaient même récemment annoncé sa mort –, Kim Jong-un a participé à l'inauguration d'une usine d'engrais, selon les médias officiels nord-coréens. La télévision d'État l'a montré, hier, marchant, souriant largement et fumant une cigarette, lors de l'inauguration d'une usine à Sunchon, au nord de Pyongyang. Sur ces images, le dictateur salue, sans signe extérieur de mauvaise santé, des centaines d'ouvriers. Ni lui ni son entourage ne portent de masque de protection contre le coronavirus, à la différence des ouvriers présents. Le pays, qui a fermé ses frontières et applique les précautions les plus strictes contre le virus, affirme n'avoir enregistré aucun cas. Sur l’une des photos diffusées par l’agence officielle KCNA, on peut voir le dirigeant nord-coréen, revêtu de son habituel costume noir, couper un ruban rouge, sa soeur et d’autres dirigeants nord-coréens apparaissant en retrait, sans qu’il soit possible d’authentifier cette apparition de source indépendante.
Spéculations sur une opération ratée
Le dictateur n'était plus apparu en public depuis une réunion du Politburo le 11 avril. Mais les interrogations s’étaient surtout multipliées depuis son absence remarquée aux célébrations du 15 avril, journée la plus importante du calendrier politique nord-coréen car elle célèbre la naissance du fondateur du régime, Kim Ilsung, son grand-père. Les spéculations étaient parties le 21 avril du Daily NK, média en ligne géré essentiellement par des Nord-Coréens ayant fait défection. Citant des sources non identifiées à l'intérieur du pays, le site avait affirmé que Kim Jong-un, âgé d'environ 35 ans, était dans un état préoccupant, souffrant, en plus de son tabagisme, d'obésité et de surmenage.
La chaîne américaine CNN avait alors rapporté que les États-Unis « surveillaient des renseignements » selon lesquels il était en danger de mort après une opération. Des rumeurs auxquelles la Corée du Sud n’avait pas donné foi. Le conseiller spécial à la sécurité nationale du président sud-coréen, Moon Jae-in, avait ainsi assuré, le 26 avril, que Kim Jong-un était « vivant et en bonne santé. » Selon ce conseiller, le dirigeant était à Wonsan, station balnéaire de la côte est de la Corée du Nord, depuis le 13 avril. De même, le président américain Donald Trump, interrogé sur le sujet le 27 avril, avait semblé confirmer que Kim Jong-un était vivant.
Impréparation internationale
Les préoccupations entourant la « disparition » de Kim Jong-un révèlent surtout l'impréparation de la communauté internationale à l'instabilité en Corée du Nord, a estimé Leif-Eric Easley, professeur d'études internationales à l'université Ehwa de Séoul. « Washington, Séoul et Tokyo ont besoin de renforcer leur coordination sur des plans en prévision de cette éventuelle disparition, a-t-il déclaré. Si les photos de la réapparition de Kim sont authentiques, la leçon à en tirer est que le monde devra écouter davantage le gouvernement sud-coréen et moins les sources anonymes et les rumeurs sur les réseaux sociaux. »
L'état de santé des dirigeants nord-coréen est un secret d'État extrêmement bien gardé. En 2011, il avait fallu deux jours après la mort de Kim Jong-il pour que l'information sorte du cercle très fermé des dignitaires de Pyongyang. En 2014, Kim Jong-un avait disparu de la circulation pendant près de six semaines, puis était réapparu avec une canne. Au terme de plusieurs jours, les services de renseignements sud-coréens avaient assuré qu'il avait été opéré pour lui retirer un kyste à la cheville.