Monaco-Matin

Arts premiers : un marché multiple

Marché de niche aux enchères, les arts premiers regroupent un vaste ensemble d’arts traditionn­els de différents continents. Comme l’explique Alexandre Debussy de la maison de vente Cannes Enchères

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De quoi parle-t-on exactement lorsque l’on évoque les arts premiers ?

Les arts premiers regroupent l’ensemble des arts traditionn­els des sociétés non-occidental­es. On y trouve les arts traditionn­els d’Afrique qui constituen­t 2/3 des lots vendus sur le marché, d’Océanie, les arts inuits, amérindien­s et précolombi­ens. C’est très vaste. Le terme « art premier » a été inventé dans les années 70 par le marchand et collection­neur français Jacques Kerchache qui est à l’origine, avec Jacques Chirac, du musée du quai Branly à Paris, dédié aux arts et civilisati­ons d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques.

Comment est né ce marché ?

Le marché est né dans le contexte de la forte expansion coloniale à partir de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. De grands marchands collection­neurs, comme le français Charles Ratton dans les années 20, ont contribué à introduire les arts premiers en France et aux États-Unis et à faire changer la perception de ces objets anthropolo­giques en véritables oeuvres d’art.

Comment se porte ce marché ?

Les pièces exceptionn­elles continuent de prendre de la valeur. Un chef-d’oeuvre, africain surtout, se vend toujours très bien, souvent même à des prix bien plus chers que ceux pratiqués dans les années 80 pour les mêmes pièces. Pour les pièces de qualité moyenne en revanche c’est plus compliqué, le marché s’essouffle un peu. Quand aux lots bas de gamme, datant de la période de la post-colonisati­on, on les retrouve dans les ventes courantes. La France est très bien placée au niveau des arts premiers. Paris est une capitale internatio­nale de ce marché.

Qu’est ce qui constitue un chefd’oeuvre ?

Les pièces d’arts premiers sont souvent anonymes, elles ne sont ni datées, ni signées. Les grands collection­neurs vont rechercher avant tout l’authentici­té, la rareté et le pedigree. La pièce doit avoir une provenance prestigieu­se, elle peut avoir appartenu par exemple à une grande personnali­té. Elle doit être ancienne, c’est-à-dire avoir été fabriquée entre le XIXe siècle ou avant, mais c’est très rare, et le début du XXe siècle. Surtout, il faut que l’objet « ait dansé », autrement dit qu’il ait participé à des cérémonies et rituels de la communauté, ce que l’on peut voir avec sa patine d’usage.

Quelles sont les pièces les plus recherchée­s ?

Les masques et statuettes en bois, africains surtout et océaniens, constituen­t le gros du marché. Il existe aussi des pièces en terre cuite, mais elles sont moins recherchée­s.

Qui sont les acheteurs ?

On a affaire à une nouvelle génération d’acheteurs, curieux intellectu­ellement et qui ont souvent des moyens financiers importants et achètent des pièces pour les mélanger avec leur collection d’art contempora­in. Ces acheteurs contribuen­t à l’envolée des prix sur les pièces les plus rares. Au-delà, il existe une clientèle traditionn­elle française et européenne qui se fait plaisir en achetant une ou plusieurs pièces à quelques milliers d’euros en moyenne.

Quels sont les prix pratiqués ?

Les pièces disponible­s démarrent à des prix très abordables, à partir de quelques dizaines d’euros pour les objets tardifs des années 50, 60 et 70 et les copies anciennes. Pour les pièces de qualité moyenne, avec une bonne traçabilit­é et une certaine ancienneté, on peut se faire plaisir à partir de quelques milliers d’euros. Les pièces muséales atteignent des sommets à 7 chiffres.

Quels sont les records ?

Je pense aux pièces de la collection historique de Pierre Vérité, marchand d’arts premiers, vendues en 2006 et 2017 à Paris. En 2006, un masque “ngil” fang du Gabon, datant du XIXe siècle, est ainsi parti pour prés de 6 millions d’euros. En 2017, une statue hawaïenne de style kona, réalisée entre 1780 et 1820 et représenta­nt le dieu de la guerre Kü Ka’ili Moku a atteint les 6,3 millions d’euros. On peut citer aussi un masque Baoulé de Côte d’Ivoire provenant de la collection Marceau Rivière et adjugé pour 4,7 millions d’euros en juin 2019 à Paris.

Quel type de pièces proposezvo­us dans votre étude?

Dans notre étude, nous proposons des pièces accessible­s à partir de quelques centaines d’euros et jusqu’à plus de 50 000 euros. Nous travaillon­s avec l’expert parisien Serge Reynes, une référence dans le domaine des arts premiers. Notre dernière grande vente était organisée au mois de mars, et nous prévoyons une très belle vente au premier semestre 2021 ou plus tôt si nous rentrons des collection­s intéressan­tes.

 ??  ?? Figure ancestrale de Papouasie - Nouvelle-Guinée - Début XIXe siècle ou antérieur - En bois avec ancienne patine d’usage brune - H : , cm   €.
Figure ancestrale de Papouasie - Nouvelle-Guinée - Début XIXe siècle ou antérieur - En bois avec ancienne patine d’usage brune - H : , cm   €.
 ?? PAR LAURENCE GUIDICELLI ?? Visage Calabar anthropo zoomorphe schématisé du Nigeria - Début du XXe siècle En bois sculpté et pigments H :  cm. Adjugé :   €.
PAR LAURENCE GUIDICELLI Visage Calabar anthropo zoomorphe schématisé du Nigeria - Début du XXe siècle En bois sculpté et pigments H :  cm. Adjugé :   €.
 ??  ?? Masque de danse Bété de Côte d’Ivoire - Début du XXe siècle En bois, clous en cuivre et pigments naturels avec ancienne patine d’usage brune H:cm-Adjugé:€.
Masque de danse Bété de Côte d’Ivoire - Début du XXe siècle En bois, clous en cuivre et pigments naturels avec ancienne patine d’usage brune H:cm-Adjugé:€.
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