Monaco-Matin

Au Brésil, une hécatombe annoncée

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« La question n’est pas de savoir si le Brésil sera un jour le principal foyer de contaminat­ion au monde : c’est déjà le cas. » Le propos émane de Domingos Alves, responsabl­e du Laboratoir­e de renseignem­ents sur la Santé (LIS) de l’université de Sao Paulo. Selon les estimation­s du collectif de chercheurs Covid-19 Brasil, dont il fait partie, le Brésil comptait jeudi plus de 1,3 million de cas. C’est seize fois plus que les 85 646 cas confirmés à cette date par le ministère de la Santé (bilan qui a depuis grimpé à 97 100), dans ce pays de 210 millions d’habitants où l’on dépiste très peu. À titre de comparaiso­n, les États-Unis, qui comptent le plus grand nombre de malades, étaient hier à 1,14 million, selon l’université américaine Johns-Hopkins.

Taux de contaminat­ion très élevé Le Brésil a par ailleurs le taux de contaminat­ion le plus élevé du monde (2,8), selon l’Imperial College of London. Dans certains États brésiliens où la situation est la plus critique, comme celui d’Amazonas, le nombre de cas réels pourrait même être 38 fois supérieur au bilan officiel. Et en dépit de cette énorme sousévalua­tion, le Brésil est déjà l’un des pays qui enregistre­nt le plus de nouveaux cas par jour, alors même qu’il est loin de son pic de pandémie. Le nombre de décès, 6 761 selon le dernier bilan national, pourrait également être largement en dessous de la réalité. En raison de la lenteur des résultats des tests, de nombreuses familles enterrent leurs proches sans connaître la cause du décès. Mais d’après les registres d’état civil, le nombre de décès liés à des syndromes respiratoi­res aigus sévères a augmenté de près de 1 200 % depuis le 16 mars par rapport à la même période l’an dernier.

Pour Domingos Alves, la situation est d’autant plus préoccupan­te que le Brésil est un pays « aux dimensions continenta­les, avec des population­s très vulnérable­s, comme les habitants des favelas ou les indigènes. Sans compter une faible adhésion aux mesures de confinemen­t ».

Le confinemen­t peu respecté Dans l’État de Sao Paulo, le plus peuplé et le plus touché du pays, le taux de confinemen­t (mesuré à partir du signal des téléphones portables) a atteint un plus bas à 46 % vendredi. Et dans celui de Rio de Janeiro, des files de voitures de touristes se pressaient à la station balnéaire de Buzios pour le long week-end férié du 1er mai.

Qui plus est, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui nie depuis le début la gravité de la crise et hurle aux « fake news », a affirmé que les mesures de confinemen­t décidées – contre son gré, au point qu’il les a, sans succès, attaquées en justice – par les gouverneur­s des États avaient été « inutiles ». D’après le quotidien Estado de Sao Paulo, plus de 70 % des lits de soins intensifs sont déjà occupés dans 6 des 27 États du Brésil, avec 96 % dans le Pernambouc, 95 % à Rio de Janeiro et 89 % dans l’Amazonas. Des données qui laissent craindre une hécatombe dans le pays.

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(Photo AFP) La situation risque d’être particuliè­rement critique dans les favelas et parmi la population indigène.

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