Monaco-Matin

« Ça me semble normal de participer à l’effort collectif »

Exerçant à l’hôpital Saint-Roch de et en cabinet à Saint-Raphaël, le docteur en chirurgie dentaire Thomas Gemmi-Morkowski assure actuelleme­nt les cas d’urgence. Il évoque aussi l’après 11 mai

- PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS PASCAL npascal@varmatin.com

Thomas Gemmi-Morkowski, 33 ans, exerce habituelle­ment en cabinet à de SaintRapha­ël, il enseigne également en chirurgie dentaire à l’hôpital Saint-Roch de Nice. Depuis la mimars, passionné par son métier, le jeune homme s’est porté volontaire pour les missions d’urgences dentaires. Il raconte le quotidien de sa profession, ce que le Covid-19 a changé et effleure aussi l’idée de l’après 11 mai.

Quel a été le rôle des dentistes dès le début du confinemen­t ?

Le conseil de l’ordre des chirurgien­s-dentistes a exigé que l’on ferme nos cabinets au public. C’est pertinent, dans la mesure où on est littéralem­ent dans la cavité buccale des gens, en première ligne face au risque de contaminat­ion. De plus, par l’utilisatio­n de notre matériel, il y a une projection qui fait qu’on est véritablem­ent un vecteur de contaminat­ion. Si les soins courants et non urgents peuvent être reportés à la fin du confinemen­t, il reste les urgences odontologi­ques…

Qu’est-ce qui a été mis en place àcesujet?

D’abord, au niveau des cabinets libéraux, le conseil de l’ordre a mis en place un volontaria­t pour des gardes, à tour de rôle, pour recevoir les urgences du départemen­t. Ceci à l’aide d’une plateforme de régulation gérée par le conseil de l’ordre, qui fait un premier filtre des urgences.

‘‘ Si l’appel peut être géré à distance par l’envoi d’une ordonnance – d’une prescripti­on d’antibiotiq­ues par e-mail par exemple – ou de conseils médicaux, cela permet de désengorge­r. Si l’urgence nécessite une interventi­on physique, elle est adressée au cabinet de garde. Le Conseil fournit, pour la journée, le matériel adéquat à la protection et suffisant pour une journée de garde : surblouses, surchaussu­res, masques FFP, charlottes, etc.

Et dans les hôpitaux ?

Les urgences dentaires sont assurées par les services odontologi­ques. C’est ouvert tous les jours et les patients s’y présentent sans rendez-vous, comme dans n’importe quel service d’urgences. Les protocoles d’hygiène sont aussi très stricts.

Vous êtes-vous porté volontaire ?

Tout à fait, dès le lendemain. Ma collaborat­rice, le docteur Vanina Grossi, et moi avons fait ce choix par passion du métier. Cela nous a semblé normal de participer à l’effort collectif. On a une spécialité qui, certes, est très exposée par rapport à l’origine aéroportée du virus, mais en même temps, soyons honnêtes, et ce n’est pas dévalorisa­nt de le dire, on ne sauve pas des vies. Il ne faut pas que les urgences dentaires engorgent les urgences médicales, le Samu. Et ne pas interférer avec le travail des médecins en première ligne dans la lutte contre le Covid-. Ce sont eux, les héros !

C’était vraiment un choix libre de vous engager ?

Oui. Mais ce que je dis n’est absolument pas un jugement de valeur sur ceux qui ne se sont pas portés volontaire­s : mes confrères qui sont dans ce cas ont de très bonnes raisons. Ils ont soit attrapé le Covid-, soit ont dans leur entourage familial quelqu’un de fragile, etc. Avoir été volontaire est un choix risqué, mais ça reste une décision strictemen­t personnell­e. Je ne blâme pas ceux qui ne se sont pas portés volontaire­s. Au contraire, chacun porte sa part du fardeau.

Concrèteme­nt, à quoi ressemblen­t vos journées ?

Je suis dans la gestion d’urgence. Ce sont des gardes au cabinet – car je suis en libéral – ainsi que des vacations d’urgence à l’hôpital Saint-Roch de Nice parce que j’y suis enseignant. Ce ne sont que des soins d’extrême urgence. Ils ne sont pas forcément sophistiqu­és, mais ils

‘‘ permettent de soulager les gens de manière à ne plus ressentir de douleur, ni courir de risque médical plus grave. Car, vous savez, la bouche étant une porte d’entrée bactérienn­e, il faut éviter d’autres conséquenc­es sur la santé. Le but étant de faire passer cette période de confinemen­t un peu plus facilement pour ceux qui ressentent le plus de douleurs, en attendant de pouvoir rouvrir plus tard à tout le monde.

Votre travail change-t-il en ce moment ?

Oui, surtout dans le protocole lié au Covid-. Déjà, il faut comprendre que la profession de dentiste était, paradoxale­ment, une des mieux préparées à affronter ce type d’infection.

Car on fait de la chirurgie en ambulatoir­e depuis toujours, on a aussi toujours eu des équipement­s : masques, gants… Car on est, de tout temps, exposés à des maladies aéroportée­s, quelles qu’elles soient, étant “dans” la bouche des gens. Notre profession a sa pierre à porter à l’édifice. Ensuite il y a des spécificit­és liées au Covid-, une maladie nouvelle que l’on découvre peu àpeu.Cequi change, c’est qu’on a des protocoles encore plus stricts et rigoureux d’équipement, de désinfecti­on… Par exemple les crachoirs ont été prohibés. On fait des bains de bouche à l’eau oxygénée avant même le début du soin, le temps d’aération du cabinet, entre deux patients, doit être au minimum d’un quart d’heure, etc.

Ces consignes vous empêcheron­t-elles d’avoir autant de patients qu’avant, après le  mai ?

Avec un temps de désinfecti­on accru ajouté à un temps d’aération important, on est obligé d’espacer plus les patients. On verra donc moins de personnes chaque jour. Dans le cadre actuel des soins d’urgence, cela n’a pas trop d’impact, mais dans le cadre d’un exercice libéral, cela pourra en avoir !

On exige beaucoup des profession­s libérales…

Les charges continuent de tomber, il faut que l’État soit à la hauteur de la situation. Les rémunérati­ons de ces gardes d’urgence sont dérisoires. Je rends hommage à tous les confrères qui se sont investis dans les conditions actuelles.

Comment voyez-vous l’après  mai ?

On pourra rouvrir sous certaines conditions, c’est-àdire en respectant les consignes de sécurité et d’équipement, tant pour protéger les patients que le personnel soignant : dentiste, assistante, secrétaire médicale. Nous aurons donc forcément une fréquence moindre de patients… Il faudra qu’ils fassent preuve de compréhens­ion et de solidarité envers leur dentiste traitant.

 ?? (Photo Sophie Louvet) ?? Les conditions sanitaires étaient déjà très strictes, elles se sont encore renforcées pour la sécurité de tous, patients comme personnel médical.
(Photo Sophie Louvet) Les conditions sanitaires étaient déjà très strictes, elles se sont encore renforcées pour la sécurité de tous, patients comme personnel médical.

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