Arnaud Lagardère sauve son poste
Arnaud Lagardère peut souffler : il a remporté hier le bras de fer qui l'opposait à son premier actionnaire, le fonds activiste britannique Amber Capital qui souhaitait renouveler la quasi-totalité du conseil de surveillance du groupe, puis écarter son gérant.
Les quinze résolutions déposées par Amber, qui revendique 18 % du capital et 14 % des droits de vote, ont été rejetées par au moins 55 % des suffrages, lors de l'assemblée générale du groupe d'édition (Hachette) et de distribution dans les lieux de transport (Relay), à huis clos en raison de la crise sanitaire.
À la Bourse de Paris, le titre a chuté dès l'ouverture de l'assemblée générale et s'affichait en baisse de 4,1 % à 14,6 euros, dans un marché haussier (+1,5 %). Le scrutin avait donné lieu à d'ultimes passes d'armes et même à un communiqué du gendarme boursier au sujet de la prise en compte de voix. Il a connu un taux de participation de 79,1 %, sensiblement plus important que d'ordinaire.
Les résolutions déposées par la gérance pour ratifier les cooptations récentes de Nicolas Sarkozy et de l'ancien patron de la SNCF, Guillaume Pepy, au conseil de surveillance ont été approuvées à plus de 99 %. Seul le mandat de Martine Chêne, ancienne représentante syndicale et au conseil de surveillance depuis 12 ans, n'a pas été renouvelé, (résolution rejetée à 51 %).
Nouveaux alliés
Amber, qui tentait de regrouper d'autres fonds et les actionnaires individuels, dénonce depuis des mois les choix stratégiques d'Arnaud Lagardère et sa gestion du groupe, et remet en cause le statut atypique du groupe en commandite par actions (SCA), qui permet à l'associé-commandité de se maintenir au pouvoir avec seulement 7,3 % des parts. Le fonds avait déjà échoué en 2018 à faire élire deux représentants au conseil de surveillance.
Selon une source proche du dossier, Arnaud Lagardère - qui ne pouvait lui-même participer - a pu compter, comme en 2018, sur les 20 % des droits de vote détenus par le fonds souverain du Qatar. De bons connaisseurs ont évoqué le rôle joué par Nicolas Sarkozy, ami de longue date d'Arnaud Lagardère et proche de la monarchie du Golfe, pour s'assurer de ce soutien. Selon la même source, le gérant a également profité des voix des investisseurs institutionnels français comme la Caisse des Dépôts, et des poids lourds fraîchement débarqués au capital : le financier Marc Ladreit de Lacharrière et surtout l'homme fort de Vivendi, Vincent Bolloré.
Lagardère détient notamment Europe 1, Le JDD et Paris Match. Vivendi, propriétaire d'Editis, a acquis très récemment plus de 10 % des parts de Lagardère sur le marché. L'héritier unique de Jean-Luc Lagardère, fondateur de l'empire industriel et médiatique décédé en 2003, devra néanmoins composer avec ses nouveaux soutiens et n'a pas répondu aux questions sur sa solvabilité personnelle, alors qu'il est responsable indéfiniment sur ses biens personnels des dettes du groupe.