« On ne retrouvera pas de sitôt la vie d’avant »
Depuis lundi 4 mai, messes et célébrations sont de nouveau autorisées à Monaco. Le nouvel archevêque, Mgr Dominique-Marie David, revient sur ce déconfinement progressif et encadré
Sa seule apparition publique datait du 8 mars, jour de son ordination en la cathédrale de Monaco. Depuis, le nouvel archevêque de Monaco, Mgr DominiqueMarie David, rongeait son frein, confiné au coeur de l’archevêché. Il lui tardait de partir à la rencontre du diocèse – des prêtres et fidèles – sans la barrière virtuelle des écrans. Ce fut chose faite ce lundi avec la levée, progressive et partielle, du confinement par le gouvernement princier.
« J’ai pu rencontrer physiquement l’ensemble des prêtres du diocèse de Monaco, pour la première fois depuis mon ordination, et vérifier que tout était prêt pour la reprise scolaire à François d’Assise – Nicolas Barré », explique-t-il. Depuis lundi, donc, messes et célébrations sont de nouveau autorisées. Pas comme avant, forcément… Entretien.
Depuis ce lundi, les célébrations ont repris. Comment avez-vous préparé ce déconfinement ?
Il y avait des dates évoquées par le gouvernement princier. En interne, on a donc préparé un processus assez détaillé sur ce que nous estimions possible pour une reprise réelle et prudente. Après échange, le gouvernement a accepté. On sait que ce n’est qu’une phase, une première étape dans le processus de déconfinement. C’est un soulagement pour les fidèles à qui ces rassemblements manquaient. Tout le monde en est heureux.
Avez-vous été en lien avec le Vatican pour cette reprise ?
Pas directement. Je pense que le Saint-Siège est très attentif à la manière dont les choses évoluent. Il y a de grandes diversités d’appréciation des situations, ne serait-ce qu’avec nos proches voisins, sur le calendrier du déconfinement et la reprise des célébrations. Il ne peut, donc, pas donner de consignes générales et applicables à tous car, de fait, les situations et décisions des gouvernements varient. On nous a demandé d’informer sur ce qui avait été décidé chez nous.
Justement, le gouvernement italien n’a toujours pas autorisé les rassemblements religieux, s’attirant les foudres des évêques. A Monaco, la messe de ce dimanche pourrait réunir jusqu’à personnes à certains endroits. N’est-ce pas trop risqué ?
Nous avons fixé un maximum de % des capacités habituelles de l’église. De fait, cela varie selon les édifices. Mais en effet, la question se pose pour les plus grands, que ce soit Saint-Charles ou la cathédrale, qui pourront accueillir personnes. Nous avons repris ce que nous avions évoqué en période de préconfinement : la possibilité de multiplier les célébrations, ce que les curés ont accepté. Il y a plus d’horaires. Dimanche prochain servira de test. Depuis lundi, on n’a pas eu de mauvaises surprises. On peut même dire que la participation, dans certains lieux, a été moindre que ce qu’on aurait pu imaginer. Sans doute parce que les gens ne prennent pas cette première étape de déconfinement comme une libération où tout est possible. On sent encore un peu de prudence, de questionnement, voire d’inquiétude.
La retransmission de la messe dominicale sur les réseaux sociaux et Monaco-Info sera toujours d’actualité ?
Dans nos consignes, nous avons encouragé les personnes âgées et fragiles à ne pas reprendre tout de suite le chemin des églises, en les invitant à poursuivre les bonnes habitudes de confinement. On a allégé le programme. La messe quotidienne n’est plus proposée en ligne mais celle du dimanche, oui. Elle sera animée par les jeunes à la chapelle de la Visitation.
Après près de jours à vivre leur foi dans le huis clos du domicile, quel est l’état d’esprit des fidèles et des prêtres ?
Il est difficile d’avoir une vision générale. Chaque prêtre, chaque fidèle, l’a vécu à sa manière. Lors de cette longue période de confinement, des jours ont été plus faciles à vivre que d’autres. Cette première phase de déconfinement apporte un soulagement, permet de se retrouver en communauté pour célébrer une étape que nos voisins ne peuvent pas vivre. Tout cela est mélangé à de la prudence, de l’inquiétude.
On n’a pas de certitude absolue sur la manière dont les choses vont progresser. On sait que ce que nous vivons va avoir des conséquences importantes sur la vie, sur l’équilibre de notre pays, au niveau économique et social. Le retour à la réalité ne sera pas rose pour tout le monde.
Un bénitier vide, pas de geste de paix, une hostie parfois délivrée directement sur les bancs (si la distanciation sociale dans l’allée centrale n’est pas possible, faute de place). Les messes se célèbrent désormais autrement…
On a donné des consignes strictes qui devront s’adapter au lieu de célébration. On espère que toutes ces contraintes ne seront pas trop lourdes pour les fidèles et les prêtres. Ces derniers feront oeuvre de pédagogie pour montrer l’intérêt de se retrouver et de rester prudent. Il y aura des modalités différentes mais l’essentiel sera préservé.
Pâques a été célébré par écrans interposés. Est-ce que l’Ascension et la Pentecôte le seront physiquement ?
Il faut que la première étape du déconfinement soit validée. Le but est de ne pas retourner en arrière et que cela porte ses fruits. Si on est dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, on célébrera l’Ascension et la Pentecôte avec une assemblée qui pourra se réunir mais aux conditions évoquées. C’est-à-dire, la multiplication de messes dans les paroisses. A la cathédrale, il y aura une messe pontificale que je présiderai. Ce sera toujours moins triste que de la célébrer devant une cathédrale vide.
On est dans une période de transition. Il faut se réjouir de ce qui nous est donné et espérer pour le reste. C’est un bon exercice. On ne retrouvera pas de sitôt la vie d’avant.
Quelles seront les grandes lignes de vos homélies ?
On ne pourra pas faire l’impasse sur cette grande épreuve traversée, pas tout à fait achevée. Le climat général sera l’action de grâce. Ces deux moments sont de belles fêtes, un temps de réjouissance. Nous n’oublierons pas tous ceux qui ne peuvent pas encore se joindre à nous, ceux qui ont souffert parce que des membres de leur famille ont été gravement malades ou sont décédés. Ce sera une communion de prière fraternelle profonde.
Que retiendrez-vous de ces près de jours de confinement ?
À titre personnel, cela restera le baptême du feu d’un nouvel évêque. Je n’ai rien fait d’autre, jusqu’à maintenant, qu’être un évêque en confinement. Cela ne veut pas dire que j’étais inactif ou indifférent. J’étais dans l’attente et je vivais cette épreuve de ne pas pouvoir rencontrer ceux qui m’ont été confiés par le Seigneur et l’Église. Une épreuve, certes, mais aussi un approfondissement, une maturation de cette nouvelle mission. Plus les jours avancent, plus le désir grandit de rencontrer ce diocèse de Monaco.
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Cela restera un baptême du feu”