« On est désarmé »
Entraîneur au Cercle des Nageurs d’Antibes, l’ancien professionnel Franck Esposito ( ans) ne s’est jamais retrouvé aussi longtemps à l’arrêt. Il essaie de conseiller les jeunes à distance mais manque de solution pour leur permettre de maintenir leur niveau de forme.
Pouvez-vous suivre vos jeunes nageurs depuis le début de la période de confinement ?
Je les appelle deux fois par semaine et ils peuvent aussi m’appeler pour faire le point sur le plan physique et moral. J’aimerais faire beaucoup plus mais c’est difficile. Je ne les entraîne pas du tout, je ne peux rien faire. Ce qui me manque, c’est l’eau. Ils travaillent avec le préparateur physique qui leur envoie un programme à réaliser chaque jour. Depuis sept semaines, on est à fond làdessus. On ne peut rien faire d’autre.
Quel est le risque ?
Avec cet arrêt, le muscle va devenir un peu plus souple et ce n’est pas très bon. Les sportifs vont perdre de la masse donc on essaie de les maintenir dans une forme générale. C’est peut-être un peu plus facile pour les sports collectifs et terrestres, mais tout le monde a besoin de préparation physique et de lever du poids. Que ce soit terrestre ou aquatique, le fait de se rendre à la salle manque à tout le monde.
Vous avez pu fournir du matériel aux licenciés ?
Tout s’est enchaîné très vite, on est rentré précipitamment d’un stage à FontRomeu
Licencié au Cercle des Nageurs d’Antibes (CNA), Paul Beaugrand est vice-champion d’Europe junior mais n’est pas encore professionnel. A 19 ans, ce spécialiste du demifond (800m, 1500m) allie sa passion avec ses études en STAPS.
« Les sentiments sont un peu mitigés. D’un côté on est dégoûté parce qu’on n’était pas loin des championnats de France (1). Je commençais à penser que je pouvais faire un bon truc là-bas et j’ai été coupé en plein élan alors que j’avais de bonnes sensations. Mais on est tous arrêtés, c’est pour tout le monde
même s’ils savent ce qu’ils ont à faire. Ce sont des gens sérieux. Ils ont tous un peu de matériel, leur élastique... Ils ont hâte de reprendre !
Une situation inédite aussi pour vous...
On subit plus qu’autre chose.
Je n’ai jamais passé autant de temps à la maison, je n’ai jamais passé huit semaines non-stop à Antibes sans bouger. On est constamment en mouvement, c’est aussi ce qu’on aime. On est désarmé. J’aimerais travailler pour avancer sur la saison mais on n’a aucune date, on ne sait pas quand seront les prochaines compétitions donc on est un peu perdu.
Il y a de la crainte chez les sportifs ?
Ils étaient tous en train de se préparer pour l’Équipe de France juniors ou espoirs, ils étaient en pleine bourre et sont bousculés. On savait très bien que ces jeunes n’étaient pas prévus pour les Jeux de Tokyo mais plus pour ceux de (Paris). Ils savent qu’ils ont un peu de marge. Pour les autres, c’est une course contre la montre qui se lance. Ça fait beaucoup d’arrêt. pareil. Ça fait ch... mais on prend notre mal en patience. Notre coach de musculation nous envoie des programmes toutes les semaines et mon entraîneur Franck (Esposito) m’appelle deux fois par semaine pour prendre des nouvelles. On sent qu’on est soutenu, mais pour le coach aussi c’est bizarre de s’arrêter comme ça. C’est compliqué, la natation c’est quelque chose qui se perd très vite donc il faut faire en sorte de toujours nager. Je ne prends pas ça comme des vacances, je sais d’ailleurs qu’il n’y en aura pas (sourire). Il va falloir reprendre les sensations dans l’eau. Les entraînements ? On peut aller courir et je suis équipé à la maison, j’ai un tapis, un vélo... J’essaie d’en faire un peu même si ça ne remplacera jamais la natation. On essaie de limiter la casse. Je n’étais jamais resté aussi longtemps sans nager. Au bout d’un certain moment, on n’en peut plus de ne pas nager. C’est presque comme une seconde nature. Ce qui me dérange le plus, c’est de faire le sport tout seul. Quand on est entre potes, on aime bien en chier ensemble. »
1. La compétition devait se tenir du 14 au 19 avril à Chartres.