Alimentation, tabac, alcool, écrans... les addictions sont en hausse
Nourriture, tabac, alcool, écrans... Le Dr Faredj Cherikh a mené une enquête mettant en évidence l’augmentation des consommations
Dès les premiers jours du confinement et les limitations d’accès aux établissements de santé, les soignants ont dû s’organiser. Parmi eux, le Dr Faredj Cherikh, chef du service d’addictologie du CHU de Nice. Le psychiatre, pressentant que ses patients auraient besoin de soutien durant toute cette période, a rapidement mis en place une plateforme téléphonique de suivi et d’entretiens pluridisciplinaire. «Il était impensable de laisser des personnes souffrant d’addiction seules dans un tel contexte. C’était courir à la catastrophe. Cette plateforme a donc vocation à assurer la continuité des soins pour éviter les décompensations, que ce soit en termes de rechutes de consommations massives et répétées ou en termes psychiatriques ».
Le Dr Cherikh a parallèlement lancé des études sur l’addiction et le confinement (l’une concernant la population générale, la seconde pour les patients suivis en addictologie), en collaboration avec le Dr Coralie Bel. « Cette situation étant totalement inédite, on ne disposait d’aucune base de travail. Et s’il y avait des études sur l’impact psychologique, on n’en avait pas sur les addictions. Pour pouvoir dégager des tendances et évaluer les comportements individuels, nous avons utilisé des documents partagés qui ont été largement diffusés via les réseaux sociaux. » Très rapidement, le psychiatre obtient plus d’un millier de réponses.
Bilan : il est clairement ressorti que la population avait augmenté certaines consommations, en réaction au stress, pour répondre à l’ennui et/ou pour combler une sensation de vide. Dans l’ordre, ces trois produits sont l’alimentation, le tabac et l’alcool. Une très large partie des répondants ont ainsi noté qu’ils mangeaient plus, surtout des produits sucrés et gras qui procurent une sensation de plaisir immédiat via la production de dopamine. D’ailleurs, une enquête réalisée par l’Ifop pour Darwin Nutrition a révélé cette semaine que les Français avaient pris en moyenne 2,5 kg depuis le début du confinement.
Consommation n’est pas toujours addiction
« Notre étude a pour l’instant été menée sur les trois premières semaines de confinement, nous renverrons le questionnaire sur la fin pour affiner les résultats sur la durée, indique le Dr Cherikh. 45 % des personnes se sont dites anxieuses, nerveuses et facilement irritables. Elles ont donc adopté des attitudes pour compenser ; elles se sont, en quelque sorte, autogérées en augmentant leurs consommations de nourriture, de tabac et d’alcool – des denrées dont chacun peut disposer chez soi. Or on peut imaginer que ces comportements se sont poursuivis voire accentués au fil des semaines ».
Si vous vous rendez compte que vous avez eu tendance à davantage grignoter ces dernières semaines, à fumer plus que d’habitude ou à boire alors que ce n’était pas le cas auparavant, pas de panique ; cela ne veut pas dire que vous allez tomber dans la dépendance. « Ce n’est pas parce que l’on a augmenté sa consommation que cela signifie qu’on est addict, rassure le professionnel. Il faut comprendre que l’on peut tous développer des stratégies de gestion du stress par des conduites addictogènes sans toutefois souffrir d’addiction au sens psychiatrique. Et lorsque l’on parle de conduites addictogènes, cela peut être de passer des heures devant les jeux vidéo ou à consulter les réseaux sociaux. En revanche, il est possible de basculer vers la consommation de produits dans un deuxième temps. » Si vous grignotez de temps en temps, pas de panique. En revanche, si vous avez l’impression de perdre pied, de ne plus contrôler vos comportements et consommations, vous pouvez contacter la plateforme au 04.92.03.21.57. qui vous proposera une téléconsultation ou qui vous orientera.