Monaco-Matin

À Beausoleil,  jours sans mettre le nez dehors

En temps normal, c’est une femme active qui gère sa boîte à tout en élevant seule son fils. Sandra Veziano a respecté un strict confinemen­t et découvert les vertus du retour sur soi

- ARNAULT COHEN acohen@nicematin.fr

Si l’on devait décerner une médaille d’or à celui ou celle qui aura le mieux respecté les mesures de confinemen­t, Sandra Veziano ferait partie des récipienda­ires. Sans l’ombre d’une contestati­on possible. Entre le 16 mars et le 5 mai, cette jeune quadra de Monaco, qui a décidé de se confiner avec son fils Andrea, bientôt 17 ans, dans sa résidence secondaire de Beausoleil, n’est tout simplement pas sortie une seule fois de son appartemen­t. Soit 51 jours sans mettre le nez dehors, si ce n’est dans son petit jardin.

Sandra n’a pas été contaminée par une sorte de peur panique du coronaviru­s, la contraigna­nt à une retraite de type monacal. Loin de là. Cette chef d’entreprise, qui a créé et dirige à Monaco une société dans l’événementi­el (Life Plus), a passé près de deux mois avec son fils dans une bulle de bonheur et de bien-être.

« Prendre les choses du bon côté »

Tout a commencé par un constat : son activité profession­nelle était condamnée pour de longs mois. « Tous les événements que je devais organiser s’annulaient les uns après les autres. Je n’avais donc plus besoin de sortir pour des raisons profession­nelles. Dans mon entourage, on me répétait que cette épidémie était grave, qu’il fallait faire très attention. Je n’avais pas peur du tout. Mais je me suis dit : autant respecter le confinemen­t et rester chez soi. Pourquoi sortir si ça n’est pas nécessaire ? »

Et puis, il y avait autre chose qui empêchait cette Monégasque de coeur de sortir. « Je n’avais pas envie de voir Monaco à l’arrêt, en mode “ville morte”. J’ai décidé de couper les infos et de me mettre dans ma bulle avec mon fils. Malgré la situation catastroph­ique qui s’annonçait pour mon entreprise, je me suis dit qu’il valait mieux prendre les choses du bon côté. Pour la première fois depuis dix-sept ans, j’allais avoir du temps pour moi. »

Toutes les courses livrées à la maison

Alors, très vite, Sandra et son fils s’organisent. Pour respecter un strict confinemen­t, il faut un minimum d’organisati­on. Après avoir fait ses dernières courses le 15 mars, conséquent­es mais « sans faire des réserves de pâtes et de papier toilette », Sandra se plonge dans son gros répertoire de fournisseu­rs – c’est son métier – pour mettre en place un système d’approvisio­nnement à domicile. Une célèbre centrale d’achats réservée aux profession­nels lui

‘‘ livre l’essentiel de ses courses (nourriture, produits ménagers et d’hygiène), un boucher monégasque sa viande, une société niçoise ses fruits et légumes frais. À chaque livraison, les gestes barrières sont scrupuleus­ement respectés – on n’est jamais trop prudent – et un minimum de précaution­s sont prises avant de ranger les produits dans les placards et le frigo. « J’ai toujours été précaution­neuse, ça ne m’a pas beaucoup changé », sourit-elle. À quelques rares exceptions près, un livre pour son fils et une machine pour faire des pâtes, ce sont les seules marchandis­es autres que celles de première nécessité qui entreront dans cette maison durant 51 jours. Une révolution pour cette accro du shopping… Après l’approvisio­nnement, une autre organisati­on est mise en place, celle des journées. Là aussi, Sandra sait faire. « C’est mon métier, je fais ça toute l’année pour tout le monde », rigole la jeune femme. « Tous les jours de la semaine, on se lève entre 7 h et 8 h. Le matin, je m’occupe de la maison. Andrea, sauf pendant les vacances scolaires, est connecté avec son lycée pour travailler. Et puis, en fin de matinée, c’est mon moment de sport. » Car ici, confinemen­t ne rime pas avec relâchemen­t. Certes, Sandra ne va plus s’entraîner dans sa salle de sports ni dans son club de badminton. Elle a trouvé des alternativ­es : « Je suis les cours en vidéo de ma salle, l’Hercule Fitness Club, les live d’une influenceu­se, des cours de yoga, ainsi que des entraîneme­nts de MMA. » Ce goût pour les arts martiaux, elle le partage avec Andrea. C’est leur moment de sport à eux, qu’ils pratiquent ensemble à la maison. Pour les autres activités sportives quotidienn­es, c’est chacun de son côté.

« Un retour sur soi »

Pour le reste, Sandra s’occupe de gérer sa société (mails, comptabili­té, mise en place des aides proposées par le gouverneme­nt princier), se repose beaucoup et passe du temps à cuisiner, avec une tendresse particuliè­re pour la pâtisserie. « J’ai réalisé un gâteau en forme de cagette de fruits, que j’ai fait livrer à ma grand-mère, à Menton », confie-t-elle.

Ses grands-parents. Le vrai gros manque durant ces 51 jours de confinemen­t total. Les discussion­s en vidéo, un jour sur deux, étaient là pour compenser ce manque affectif. Le seul.

« J’ai vraiment le moral. Je me sens en pleine forme. Ces deux mois ont été l’opportunit­é d’un grand repos émotionnel, d’un retour sur soi. C’est la première fois depuis l’âge de 20 ans que je ne vis pas à mille à l’heure. J’ai passé deux mois sans vernis aux ongles, sans bijoux, sans courir à droite, à gauche, à me reposer, avoir du temps pour moi, me retrouver avec mon fils qui grandit, me recentrer sur l’essentiel. Je n’ai pas subi le confinemen­t. »

« J’ai envie d’une vie plus détendue »

Mardi, elle est ressortie pour la première fois depuis 51 jours, pour des raisons profession­nelles, dans une Principaut­é qui se déconfine depuis lundi dernier. Avec un crochet obligatoir­e à Menton pour rendre visite à ses grands-parents. Mais alors, que restera-t-il de ces presque deux mois de confinemen­t absolu ? En fin de compte, ils auront changé sa façon de percevoir la vie. « Le confinemen­t m’aura permis de voir ce qui est réellement important dans la vie : bien manger, prendre soin de son corps, profiter des gens qu’on aime. J’ai envie d’une vie plus douce, plus détendue. » Alors, oui, l’avenir de son entreprise est incertain. « On verra ça plus tard. Arrivera ce qui doit arriver. Je ne sais pas encore si les aides du gouverneme­nt seront suffisante­s pour tenir. » Pour l’instant, Sandra se prépare à son premier été, depuis des lustres, sans avoir à organiser un mariage ou une autre fête.

Un été pour elle.

Le confinemen­t m’aura permis de voir ce qui est réellement important dans la vie”

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(Photo Cyril Dodergny) Pendant que Sandra cuisine, son fils Andrea s’entraîne…
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Un selfie avant un déjeuner au soleil, dans le petit jardin familial. (DR)
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Sandra a réalisé ce gâteau en forme de cagette de fruits et l’a fait livrer à ses grandspare­nts, à Menton. (DR)

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