Et la peste épargna Roquebrune
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Une terrible épidémie de peste ravageait le pays… mais Roquebrune fut épargnée… Une des plus antiques traditions se perpétue là, à Roquebrune, depuis plus de cinq siècles. Pour en préciser l’origine il faut retenir la date certaine du 26 juillet 1467. Alors qu’une terrible épidémie de peste ravageait les côtes méditerranéennes, les Syndics décidèrent de réunir, ce jourlà, la communauté. Et c’est au cours de cette réunion qu’il fut ordonné que la population entière, pour arrêter le fléau, ferait une neuvaine à
(*) Notre-Dame-de-la-Pausa, le palladium de la cité.
Le « miracle » du neuvième jour
Cette neuvaine commencerait le 28 juillet pour se terminer le 5 août. Tous les habitants se rendraient, pieds nus, à la chapelle mariale, située dans la campagne, hors les murs, et après avoir, par leurs prières et par l’intercession de la Madone, invoqué la divine providence, s’en reviendraient également pieds nus.
Or, le neuvième jour, le 5 août, fête de Notre-Dame-des-Neiges, le miracle s’accomplit et la peste arrêta ses ravages. Alors pour commémorer ce miracle, les habitants firent voeu de représenter tous les ans, à la même date, le 5 août, et sur le chemin qu’ils avaient parcouru pendant leur neuvaine, le mystère de la passion du Seigneur Jésus Christ. Ce voeu a toujours été fidèlement rempli et c’est ainsi que se déroule chaque année cette extraordinaire procession aussi célèbre que celle d’Oberammergau, en Bavière, ou celle de Burzet, en Ardèche, pour n’évoquer que ces deux, et qui, par son caractère spectaculaire de foi vécue, ne manque pas d’attirer une foule considérable de pèlerins et de touristes… Le cortège se déroule à partir de l’église paroissiale – déjà citée dans une bulle pontificale de 1182 et complètement restaurée, en 1618, par le prince Honoré-II de Monaco – jusqu’à la chapelle de Notre-Dame-de-la-Pausa, par la porte de l’Est, sur le chemin bordé d’oliviers qui y conduit.
Les principales scènes de la Passion, séparées les unes des autres par un bref intervalle, y sont figurées et mimées et chacune d’elles a son Christ vivant, excepté, bien entendu, celle de la crucifixion où il s’agit d’une effigie sur une grande croix processionnelle et aussi celle du portement au sépulcre, où le corps du Christ est en plâtre.
Acteurs et figurants de père en fils
Acteurs et figurants, au nombre de 150 environ, sont revêtus des costumes judaïques et romains qui se transmettent de génération en génération. Et, bien souvent, depuis fort longtemps, les mêmes rôles des principaux personnages sont tenus de père en fils et de mère en fille, dans un admirable et foncier sentiment de pieuse et fervente fidélité.
Le cortège est formé de huit tableaux de ce prenant et émouvant cortège qui relève autant d’une procession religieuse que du théâtre populaire, à la manière des « mistères » médiévaux de son origine… JEAN GAVOT Le Folklore vivant du comté de Nice et des AlpesMaritimes
Chantemerle Éditeur, . *Prières, actes de dévotion poursuivis pendant neuf jours, selon des règles précises, en vue d’obtenir une grâce particulière.