Monaco-Matin

« J’ai fait des trucs de vieilles personnes »

La comédienne et écrivaine suisse nous raconte avec humour et pertinence sa période de confinemen­t à Paris, durant laquelle elle a le sentiment d’être passée par tous les états

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Demain, elle pourra sortir de son appartemen­t parisien pour « aller voir une copine, en gardant deux mètres de distance ». Un petit pas, mais pas encore l’idéal pour la native de Lausanne, qui n’a qu’une hâte : « Serrer les personnes que j’aime dans mes bras. » En attendant le retour des hugs, Charlotte Gabris s’occupe comme elle peut. À défaut de pouvoir partir à la rencontre du public pour présenter son premier roman, Déjeuner en paix ,ou encore le film de Michaël Youn Divorce Club, dans lequel elle joue, celle qui s’est fait connaître comme humoriste, dans la troupe du Jamel Comedy Club ou sur Europe 1 avec Laurent Ruquier et Michel Drucker, s’attelle à l’écriture d’un long-métrage. Avec son chien dans les parages, avec des films de la Nouvelle Vague ou de la téléréalit­é bien grasse en arrière-plan.

Le confinemen­t est tombé pile quand il ne fallait pas pour vous...

Oui, comme beaucoup de monde, j’ai été coupée dans mon élan, de manière brutale. J’étais en pleine promotion de Déjeuner en paix et j’allais commencer les salons du livre. J’espère pouvoir faire vivre le roman durant l’été et j’ai hâte de pouvoir échanger avec des lecteurs.

La sortie de Divorce Club était prévue pour le  mars, aussi. J’étais vraiment déçue pour Michaël, d’autant plus que l’accueil avait été très bon au festival du film de comédie de l’Alpe-d’Huez (le long-métrage y a été récompensé par le jury et la presse, ndlr).

Le spectacle vivant et le cinéma risquent de tourner au ralenti longtemps...

En tant qu’auteure, je peux continuer à avancer. Je suis en pleine écriture d’un long-métrage. Comme actrice, ça fait un peu peur. Je ne sais pas quand les tournages reprendron­t, et dans quelles conditions. Même chose pour le théâtre. Tout est assez flou. Heureuseme­nt, je peux me consacrer à l’écriture. D’abord, j’ai eu du mal à me concentrer. J’avais surtout envie de lire, je m’étais plongée dans L’Être et le néant de Sartre, je voulais voir au moins deux films de Truffaut par jour. Et en fait, au bout de cinq jours, je me demandais pourquoi j’étais en pyjama devant Les Marseillai­s sur W...

D’autres plaisirs, coupables ou non ?

J’ai repris la série Friends, depuis le début. Sur Netflix, il y a maintenant tous les films de Truffaut, dont je vous parlais. J’en ai découvert certains et redécouver­t d’autres, que j’avais vus quand j’étais plus jeune. J’ai aussi adoré la série Unorthodox, toujours sur Netflix. Sinon, je m’étais mis en tête de passer mon permis de conduire, j’ai révisé le code, mais je n’ai tenu que trois semaines. J’y reviendrai peut-être. À part ça, j’ai fait des trucs de vieilles personnes, comme des puzzles.

Vous n’avez pas tenu à « occuper le terrain » sur les réseaux sociaux ?

Comme d’autres

‘‘ actrices, il m’est arrivé de vouloir poster une photo où je me trouvais jolie. Mais j’essayais de mettre une légende avec du second degré, quand même. Je n’ai pas du tout la volonté d’occuper l’espace, de peur d’être oubliée. J’ai aussi publié un truc humoristiq­ue, avec mon conjoint, en faisant semblant d’apprendre à le découvrir. Mais je n’avais pas la bonne inspiratio­n, j’ai lâché. J’ai fait des cookies et des tartes, comme tout le monde !

Que vous inspire cette « mise en pause » inattendue ?

Il y a un côté schizophrè­ne. J’apprécie, parce que je n’ai jamais autant échangé avec mes parents ou mes amis d’enfance. Il y a aussi des moments de joie. Et d’un autre côté, l’angoisse, de l’après, surtout, rattrape tout. J’oscille entre la joie, l’angoisse et la tristesse, d’une heure à l’autre. Je n’avais jamais connu ça.

Déjeuner en paix évoque la rivalité féminine, le jugement permanent. Cette période est-elle de nature à changer la donne ?

En confinemen­t, on est forcément moins en train de se comparer et de regarder les autres. C’est une période où, sans le vouloir, on est très tourné sur soi. Parfois, ça peut-être difficile, selon le bilan qu’on se fait de notre vie. Mais j’espère que ça amènera plus de bienveilla­nce. Par rapport à d’habitude, les gens qui postent des photos où ils sont au top de leur forme sont un peu hors contexte. Encore plus qu’en temps normal.

‘‘

En pyjama devant sur W.”

J’oscille entre la joie, l’angoisse et la tristesse.”

Quels enseigneme­nts tirez-vous de cette période ?

Je ne veux pas forcément que tout redevienne comme avant. J’apprécie le fait d’être bien chez moi, d’être moins dans la consommati­on aussi. Ce retour chez soi, en soi aussi, est intéressan­t. Sans ce confinemen­t, je n’aurais pas du tout eu le déclic.

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