Handicap « Pas une priorité ! »
Qui, depuis le 16 mars, se préoccupe de la joliment prénommée Charlie, 3 ans et demi ? Qui, depuis le 16 mars, se préoccupe de Charlie et des milliers d’autres enfants en France affectés par une maladie rare et à la santé extrêmement fragiles ? Pas grand monde, si l’on en croit la maman de la petite Vençoise suivie par un centre de référence à Marseille. « Je n’ai reçu aucun appel depuis le 16 mars. Et, à la veille du déconfinement, nous nous posons encore mille et une questions, mais c’est toujours silence radio ». Charlie ne marche pas, ne parle pas, fait jusqu’à 150 crises d’épilepsie par jour. En cause, une maladie génétique rare associée à un déficit en pyruvate déshydrogénase, une enzyme essentielle au métabolisme. Parmi les conséquences très lourdes, une grande vulnérabilité vis-à-vis des agents pathogènes. Chaque hiver, Charlie, victime d’infections, est contrainte à plusieurs séjours hospitaliers.
Même si ses parents, Stéphanie et Matthieu ont l’habitude de multiplier les précautions pour protéger la fillette, c’est avec beaucoup d’appréhension qu’ils vont accueillir début mars l’annonce d’une épidémie de coronavirus. Les questions se bousculent. Comment doivent-ils procéder ? Quelles mesures doivent-ils mettre en place pour mettre Charlie à l’abri ? Quid de son suivi médical ? Charlie devait bénéficier d’un bilan complet en hospitalisation de jour, quand pourra-t-il être réalisé ? Comment la protéger du virus et travailler ? Ils attendent des conseils, des recommandations… Mais, personne pour répondre à leurs interrogations inquiètes.
Tous les regards sont alors braqués sur les capacités hospitalières en réanimation. Ignorants des drames qui se déroulent à huis clos. « Depuis le début de l’épidémie nous ne pouvons que constater à quel point le milieu du handicap n’est pas une priorité », se désole Stéphanie. Infirmière dans un établissement de SSR (soins de suite et de réadaptation), la jeune femme a exercé pendant quatre années dans un IME (Institut médicoéducatif accueillant les enfants et adolescents atteints de handicap mental). « J’avais alors pris la mesure des difficultés de prise en charge de ces jeunes patients. Mais aujourd’hui que je suis passée de l’autre côté de la barrière, je me rends compte aussi de l’extrême solitude dans laquelle se trouvent les parents, face à la maladie de leur enfant. D’autant plus dans des périodes délicates comme celle que nous traversons. Leurs questions, leur inquiétude restent sans réponses. »
Plutôt que placer Charlie dans un IME, ses parents ont privilégié une prise en charge à domicile, adaptée à son lourd handicap. Kiné quotidiennement, exercices de psychomotricienne, orthophonie… tout est mis en oeuvre pour faire progresser la fillette. « Mais depuis le 16 mars, on a tout arrêté. Compte tenu de ses capacités pulmonaires, Charlie est très à risque vis-à-vis du coronavirus. Une infection peut faire flamber sa maladie. »
Charlie a une grande soeur, Eva, 7 ans, issue d’une première union de sa maman. Entre les fillettes un amour et une complicité immenses. Eva ne reprendra pas le chemin de l’école. Une décision difficile, mais il en va de la santé de Charlie. Pendant les semaines qui vont suivre, la famille ne quittera pas le domicile. Les collègues du couple (Matthieu travaille dans une clinique vençoise) ont établi une cagnotte financière et offert des RTT pour aider la famille à faire face aux besoins de Charlie. Une solidarité touchante qui tranche violemment avec l’indifférence du « système ».