Monaco-Matin

Droit de retrait : L’arme du salarié en cas de danger

Il s’agit de la possibilit­é de quitter son travail, si l’on estime être face à un danger grave ou si l’on constate un dysfonctio­nnement des systèmes de protection. Mais le risque doit être justifié

- LOUISE TEMPIER

Matériel non conforme, absence d’équipement­s de protection ou encore risques d’agression... ou sanitaires, sont autant de situations susceptibl­es de justifier un droit de retrait. Un salarié peut, en effet, l’invoquer s’il estime qu’il existe un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Le déconfinem­ent qui s’annonce, avec son lot d’incertitud­e pour les travailleu­rs qui vont tôt ou tard devoir reprendre le chemin des entreprise­s, risque d’être propice à l’exercice du droit de retrait.

Des risques de dangers divers

Ce dispositif s’apprécie subjective­ment. Un salarié n’a pas à prouver qu’il y a bien un danger ; il lui suffit de se sentir menacé par un risque de blessure, d’accident ou de maladie. L’origine du danger peut être diverse : une ambiance de travail délétère, un processus de fabricatio­n dangereux, un équipement de travail défectueux et non conforme aux normes de sécurité, ou un risque sanitaire en cette période troublée... Par exemple, un salarié à qui l’on obligerait à exercer sans distanciat­ion sociale au même titre qu’un livreur qui constatera­it que les freins de son camion sont défectueux. Les exemples jurisprude­ntiels sur la question du droit de retrait sont nombreux. Il convient toutefois d’être vigilant car chaque situation est analysée et jugée au cas par cas.

Que se passe-t-il en pratique ?

Il est conseillé au salarié, qui souhaite exercer son droit de retrait, d’informer son employeur ou son responsabl­e hiérarchiq­ue, en donnant ses raisons. L’informatio­n peut se faire verbalemen­t ou par écrit (par courriel par exemple). Il est également d’usage d’avertir un représenta­nt du personnel, qui pourra luimême exercer son droit d’alerte.

À noter que le salarié ne peut pas rentrer chez lui, pour autant, et qu’il doit rester à la dispositio­n de l’employeur. Celui-ci peut alors l’affecter temporaire­ment à un autre poste correspond­ant à ses compétence­s, le temps de prendre des mesures. Lorsque l’employeur considère qu’il n’existe plus de danger grave et imminent (au terme d’une enquête menée avec un membre du CHSCT), il peut ordonner au salarié de retourner à son poste de travail.

Quelles sanctions possibles ?

Il n’existe aucune sanction, ni retenue de salaire dans ce type de situation. Toutefois, le salarié peut être sanctionné si les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies ou si son comporteme­nt peut s’apparenter à un acte d’insubordin­ation ou d’indiscipli­ne (retenue sur salaire, mise à pied, licencieme­nt, etc.).

La cour de cassation a, par exemple, approuvé le licencieme­nt d’un salarié qui avait fait valoir son droit de retrait au motif qu’il y avait des courants d’air dans son bureau. Son attitude a été considérée comme un acte d’indiscipli­ne.

Attention, le droit de retrait doit être exercé de telle sorte qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent. Si l’exercice du droit de retrait cause un dommage à un tiers, le salarié fautif pourra être sanctionné, sur le plan disciplina­ire, mais également sur le plan pénal.

Un droit de retrait ne doit pas être utilisé pour faire valoir des revendicat­ions (augmentati­on des salaires, de l’effectif, etc.). Il s’agit là du droit de grève : un arrêt collectif de travail en vue de l’améliorati­on des conditions de travail.

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(Photo Pexels) Un salarié n’a pas à prouver qu’il y a bien un danger ; il lui suffit de se sentir menacé par un risque de blessure, d’accident ou de maladie.

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