Rue d’Antibes à Cannes : réveil timide et grises mines
L’artère commerciale du centre-ville s’est très progressivement animée, hier matin, mais ce n’était pas comparable avec un jour de mai précoronavirus, surtout sans Festival du film
Ici, quand il y a de l’eau, personne ne sort ! » L’aphorisme d’Hervé, buraliste du 116, rue FélixFaure, vaut pour tous les temps de pluie à Cannes, confinement ou pas. Mais derrière sa vitre de Plexiglass, ce dernier accuse 70 % de perte de chiffre d’affaires durant les six premières semaines de confinement. «Ce qui s’est bien vendu, c’est le journal, mais pour le reste, sans congressiste ni touriste… »
Vers 9 h 30, faute de restaurant ouvert, la rue piétonne Félix-Faure a encore des allures de grand désert. Seuls quelques parapluies déambulent ici et là entre les gouttes. Plus commerciale, la rue d’Antibes a connu un réveil poussif, très progressif. Avant l’ouverture des boutiques vestimentaires, c’est devant les enseignes de téléphonie mobile que de courtes files se forment.
« Je suis là depuis 8 heures, je croyais qu’il y aurait la queue, mais non, souligne Françoise, retraitée masquée du quartier Isola-Bella qui fait là sa première incursion en centre-ville depuis le 17 mars. Vous me direz, si mon portable ne s’était pas bloqué, je serais encore restée chez moi aujourd’hui ».
« Sans le Festival du film, c’est compliqué »
Plus loin, devant le même type de magasin, pour les mêmes motifs, une autre
Françoise, âgée de 78 ans. Mais elle n’a pas daigné mettre de textile sur le visage. « Le masque, je l’enfilerai en entrant dans la boutique mais ça ne protège pas plus que ça, et je suis fataliste : mon neveu de 60 ans a respecté toutes les mesures de confinement mais ça fait un mois qu’il est dans le coma ».
À la pharmacie du Festival, les rares clients ne se sont d’ailleurs pas précipités sur le stock. « Et quand on a des masques, les gens nous réclament des gants, soupire Alessandra, qui a ouvert son officine en janvier. Pour nous, cette crise est catastrophique car, sur la rue d’Antibes, sans le Festival du film, c’est compliqué. »
Effectivement. Cette année, le tapis rouge n’est pas déployé sur les marches du Palais. Et la Croisette ne bruisse pas des aménagements de plages. À défaut de stars, dans tous les négoces on s’est activé pour le dérouler (au figuré) à d’éventuels chalands. Mais l’activité ne repart pas à vue d’oeil, y compris chez Optica, où les lunettes de classe et de luxe ne trouvent guère preneurs. « Pour l’instant, nos clients viennent surtout pour de petits bobos, une branche cassée, un problème d’ordonnance ou de sécu, constate Danny Bos, jovial malgré tout. On désinfectera nos lunettes avant et après essayage mais il faudra encore un peu de temps pour écouler nos deux mille modèles ».
Plus haut, une file se forme devant la Fnac. Avec le déconfinement, on espère qu’une page se tourne sur l’épidémie mais ceux-là viennent néanmoins refaire leur stock de bouquins. « J’ai profité du confinement pour prendre le temps de me retrouver un peu et je l’ai bien vécu. Mais j’ai hâte de revenir acheter des livres », confirme Rose-Marie.
On connaît déjà la collection sur Internet
Les pépins se ferment et les passants se font plus nombreux, tels des escargots. Pas forcément les protections textiles.
Certaines sont parfois aléatoires ou glissent sous le nez, voire sur le menton. Des véhicules circulent avec ces inévitables coups de klaxons, qui ne nous avaient pas manqué.
Devant Zara, un groupe d’adolescentes n’a pas dérogé au masque. Mais leur impatience devant le rideau de fer, elle, n’est pas dissimulée : «On connaît déjà toute la collection d’été sur le thème de l’Amazonie que l’on a vue sur Internet et l’on a déjà les articles qui nous intéressent en tête, rigolent ces demoiselles de Cannes. On s’est levées à 8 heures pour venir faire nos achats, même la pluie ne pouvait pas nous arrêter ! »
À l’intérieur, pas d’essayage possible cette semaine mais la possibilité d’échanger ou se faire rembourser, sur présentation du ticket de caisse. Globalement, on n’est quand même loin de la frénésie d’achats.
Au magasin Dunes de prêt-àporter, Marc a pourtant préparé la machine à défroisser (et désinfecter) entre chaque essai mais « quelques clientes sont passées, plus pour dire bonjour que pour acheter. D’autres préfèrent encore rester confinées. »
Chez Vilebrequin, Aline a ouvert aussi, sans grand entrain. Avec mesures barrières et quelques maillots uniquement destinés à l’essayage des tailles avant choix du modèle. Mais en ce jour de déconfinement pluvieux et plages fermées, pas évident de vendre un maillot de bain…