Port du masque à Nice : trois arrêtés en une semaine
Christian Estrosi a abrogé dimanche l’arrêté imposant dès hier le masque partout dans l’espace public. Pour le remplacer par un nouveau texte auquel se substituera un autre arrêté mercredi
Une poule n’y retrouverait pas ses petits. En une semaine, Christian Estrosi aura pris pas moins de trois arrêtés sur le port du masque dans sa commune.
Le premier arrêté, pris le 7 mai, avait, il est vrai, peu de chances d’être validé par le juge administratif. Il prévoyait un port généralisé du masque sur l’ensemble de la commune alors que le Conseil d’Etat, dans une décision rendue il y a quelques semaines, avait retoqué pour la commune de Sceaux (92) un périmètre aussi large et indifférencié. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les maires de Cannes et de Mandelieu avaient pris soin de promulguer un texte limitant à certains quartiers ou zones à forte concentration de population l’obligation du port du masque dans leur commune.
Respect de la distanciation
Leurs arrêtés, qui n’ont pas été attaqués, sont en vigueur depuis le 4 mai. L’arrêté niçois avait, lui, été attaqué dès le 9 mai. Est-ce la raison qui a amené Christian Estrosi à abroger dimanche soir cet arrêté qui devait entrer en vigueur hier ? Nul ne le sait. Toujours est-il qu’hier en fin de matinée, le maire de Nice a ratifié un nouveau texte, toujours dans le but de rendre obligatoire le port du masque dans l’espace public. Cet arrêté remanié s’applique dès aujourd’hui. Quelle différence entre les deux textes ? Déjà un changement de contexte juridique : le nouvel arrêté sera postérieur au décret d’application de la loi d’urgence sanitaire, publié hier au Journal officiel.
Ainsi le texte s’appuie sur la règle édictée par l’Etat qui rend le port du masque « systématique lorsque les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties ».
Lieux exigus, affluence... Les cas d’application sont rappelés dans l’arrêté pris à Nice, qui évite la délimitation de périmètres.
La plage horaire du premier arrêté, qui rendait le port du masque obligatoire de 8 h à 20 h, disparaît. Mais l’application de ce deuxième arrêté sera très limitée : pris hier en fin de matinée, il cessera d’être exécutoire après ce soir à minuit. Un nouveau texte le remplacera, la Ville attendant la publication de la loi votée le 9 mai afin de muscler encore sa copie.
La Ville condamnée
La première mouture de l’arrêté avait donc été attaquée par la Ligue des droits de l’Homme (LDH), représentée par Me Mireille Damiano et également par deux citoyens dont Me JeanMarc Le Gars, un ancien président du tribunal administratif de Nice : ils en demandaient la suspension. Ces deux avocats en ont d’ailleurs débattu hier lors de l’audience de référé destinée à examiner leurs recours, face à l’avocat de la Ville, Me Adrien Verrier. Bien que l’arrêté soit caduc, la présidente Pascale Rousselle avait décidé de maintenir l’audience et d’entendre les parties, sa décision finale ne pouvant plus que concerner les demandes croisées de dédommagement. La présidente a ainsi condamné la Ville à verser 1000 euros à chacun des deux auteurs des recours : la LDH et Jean-Marc Le Gars. Une partie des arguments déployés hier pourront-ils être repris en cas de nouveaux recours ?
Hier, Mes Damiano et Le Gars ont insisté : « Le maire de Nice ne pouvait prendre ces dispositions », rappelant les missions du préfet. Ils ont aussi dénoncé tour à tour « une atteinte grave aux libertés » et encore « une dissonance par rapport aux mesures nationales », tout en insistant sur « l’absence de circonstances locales, de raisons impérieuses pouvant justifier cette obligation ». Me Verrier a soutenu : « L’action de la Ville va dans le sens des directives du gouvernement et l’abrogation du premier texte va permettre de définir un arrêté mieux adapté. »
Enfin, dans un communiqué, la LDH a souligné « n’être en rien opposée au port du masque, simplement nous veillons au respect de la loi ».