Monaco-Matin

Prison ferme pour un avocat ivre au volant

- JEAN-MARIE FIORUCCI *Assesseurs :Geneviève-Vallar et Florestan Bellinzona.

Habituelle­ment, il participe aux audiences du tribunal correction­nel pour défendre les prévenus soupçonnés d’infraction­s diverses. Mais cette fois, cet avocat monégasque est l’auteur d’un délit : il a été contrôlé au volant de sa voiture avec une alcoolémie de 1,40 gramme dans le sang.

Le 12 janvier dernier, après avoir avalé une demi-bouteille de champagne, il prend sa petite voiture pour s’approvisio­nner en pack d’eau à la supérette voisine. Sur le parcours, une Mercedes quitte un stationnem­ent. C’est le choc, inévitable. « J’ai été heurté, précise le quinquagén­aire. Cette berline quittait un lieu sans stationnem­ent matérialis­é… » Quand des policiers, alertés, arrivent pour les constatati­ons d’usage, ils remarquent l’ivresse du chauffeur.

« Ce qui m’est arrivé est une erreur »

« Vous n’aviez pas pu souffler, note la présidente Françoise Barbier-Chassaing (*) avec beaucoup plus d’un gramme d’alcool dans le sang. La façon dont vous vous êtes extirpé de votre voiture montre un défaut de maîtrise évident dû à l’excès de boisson. Vous avez déjà été condamné trois fois pour ivresse au volant, avec une progressio­n des sanctions. Aujourd’hui souffrez-vous toujours d’alcoolémie ? »

Le prévenu assure avoir complèteme­nt arrêté depuis cette date. « Ce qui m’est arrivé est une erreur. J’ai entamé des soins dans un hôpital dès le 20 janvier. J’en suis sorti quatorze jours plus tard. Aujourd’hui, je ne bois plus une goutte d’alcool et je n’ai pas l’intention de recommence­r. Une incarcérat­ion serait extrêmemen­t difficile, car j’ai un certificat médical. »

Quatrième comparutio­n

Au moment de requérir, la procureure Alexia Brianti se fait l’avocate du diable. Si les faits sont admis, la représenta­nte du parquet général note des contradict­ions entre les déclaratio­ns au moment des faits et celles avancées à la barre.

« À l’époque, vous aviez rendez-vous avec un client au cap Martin. Aujourd’hui vous preniez votre auto pour aller à la supérette. Le choc ? La victime contredit votre assertion. Et, au cours de votre garde à vue, vous évoquiez un malaise. Avec les trois condamnati­ons précédente­s, le stage de sensibilis­ation n’a pas porté les fruits escomptés. Vous comparaiss­ez pour la quatrième fois. C’est un risque de trop. La question se pose par rapport à votre état de santé psychique, incompatib­le avec une absence de liberté. On peut prononcer une peine d’emprisonne­ment de deux mois fractionné­e pour raison profession­nelle et son exécution après une expertise. »

« Sa guérison prendra du temps »

La défense jette aussitôt toutes ses forces oratoires pour éviter la prison. Me Sarah Filippi réclame une amende, car elle a la conviction que la prison serait une erreur. « Je dois défendre mon aîné qui suscite l’admiration au sein du barreau. On n’arrive pas à retrouver dans ce dossier les évidences d’un choc ! Pas de vidéo pour constater l’absence de défaut de maîtrise ! Mon client doit bénéficier d’une non-responsabi­lité. Il est malade depuis ces années car il est traqué, perquisiti­onné, interrogé… Au lieu de prendre des médicament­s, il va boire… Oui, sa guérison prendra du temps. Pour une rechute, mérite-t-il deux mois d’incarcérat­ion ? »

Toujours présumé innocent

Le tribunal a prononcé une peine d’un an d’emprisonne­ment, dont quinze jours ferme et liberté d’épreuve pendant deux ans. Toutefois, cette condamnati­on en première instance ne peut être encore considérée comme définitive puisque Me Sarah Filippi a décidé de faire appel de la décision. L’avocat monégasque reste à ce jour toujours présumé innocent.

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(Photo Cyril Dodergny) Le prévenu a fait appel de la décision.

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