Enfermés dehors
Cette crise sanitaire majeure est aussi pour nous, Français, une grande leçon d’humilité. Toute grande puissance que nous sommes, nous ne pouvons strictement rien pour nos ressortissants coincés à l’extérieur de nos frontières depuis deux mois.
On pensait pouvoir compter sur le ministre des Affaires étrangères pour tous les rapatrier fissa. Fin mars, il nous rassurait quand il évaluait à le nombre de nos ressortissants enfermés dehors. Pour des dizaines de milliers d’autres, une solution avait déjà été trouvée. «Cesont les derniers mètres qui sont toujours les plus difficiles parce que ce sont des situations particulières. » La fin semblait proche. Ce n’était que le début. Les semaines suivantes, voyageurs sont rapatriés. Le Quai d’Orsay évoque fin avril des vols balais. Il aurait mieux valu de gros aspirateurs. En mai, personnes supplémentaires rentrent au pays, la plupart à leurs frais. Ceux qui restent coincés à l’extérieur n’ont toujours pas de billet mais une invitation, lancée par le ministre en personne : respecter une quatorzaine sanitaire le jour où ils remettront un pied sur notre sol. Ils
« Des dizaines de milliers à chercher désespérément le chemin du retour »
sont en fait des dizaines de milliers à chercher, désespérément, le chemin du retour. Un grand nombre d’entre eux, tanqués juste derrière la Méditerranée. La proximité avec la France est un leurre. Le site de l’ambassade de France au Maroc le reconnaît bien volontiers : « Cette situation n’est pas normale », mais Paris n’a pas voix au chapitre. Il faut quémander, comme à d’autres pays, des autorisations exceptionnelles de vol. Chichement accordées. Le royaume chérifien est peu enclin à libérer l’espace aérien. Il vient de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au juin. Ensuite, il faudra des semaines avant que le dernier touriste en rade soit évacué.
Une politique facile à comprendre : c’est en réduisant les déplacements au maximum que les Marocains déplorent seulement victimes du Covid-.
Qui sont les fautifs ? Il n’y en a pas forcément sous la main, tant les circonstances sont exceptionnelles. Mais on peut croire les témoignages en direct de tous ces pays de cocagne où il fait si bon tout oublier : leur détresse est bien réelle et leur sort bien cruel, même à l’ombre des palmiers et des cocotiers du paradis.