Monaco-Matin

Un foyer de Covid- résorbé chez les carabinier­s du Prince

Au plus fort de la crise sanitaire, 17 des 124 membres de la Compagnie ont été sur le flanc à Monaco, dont trois finalement testés positifs au coronaviru­s

- THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr

Ils ont tremblé mais ont fait corps, comme à leur habitude. Si une dizaine de couples doivent repasser des tests complément­aires (PCR et sérologiqu­e) ces prochains jours, les 124 carabinier­s du Prince et leurs proches ont tous passé des tests sérologiqu­es négatifs les 7 et 8 mai. Un soulagemen­t car, au début du confinemen­t, la garde rapprochée de la famille princière n’a pas été épargnée, au point de former, avec le Palais princier – où « plusieurs cas ont été recensés » –, les premiers foyers de contaminat­ion du pays.

Le 19 mars, deux jours après le début du confinemen­t, et trois après l’annonce de la contaminat­ion du chef du gouverneme­nt monégasque, Serge Telle, le prince Albert II était déclaré positif. Le lendemain, les premiers symptômes apparaissa­ient chez des carabinier­s. Le premier cas officiel en Principaut­é étant à ce jour daté au 28 février. Celui d’un jeune résident britanniqu­e, depuis guéri, qui revenait de Lombardie.

« On était à la limite de l’hospitalis­ation »

« Les deux premiers malades ont eu des symptômes le 20 mars et confirmati­on des résultats des tests PCR dans les trois jours », rembobine le commandant Gilles Convertini. Un troisième cas suivra rapidement, puis son épouse, plus tardivemen­t, poussant la famille à repartir pour une quarantain­e. Leur fillette présentant également des symptômes.

« Entre les confinés préventifs et les collègues positifs, on est allé jusqu’à 17 carabinier­s hors service au même moment », estime le chef de la Compagnie des carabinier­s.

En charge du suivi de ces hommes, l’adjudant Denis Raymond a constaté la virulence du virus. «Onétaità la limite de l’hospitalis­ation pour deux en particulie­r. C’était assez bizarre au niveau des pics. Ils avaient deux jours de forte fièvre et puis ça partait quatre ou cinq jours, et ça revenait. » Et il est question de gaillards, dans la force de l’âge. « Entre 35 et 40 ans, costauds et sportifs avérés. »

« Même ceux qui n’ont pas eu le Covid, mais certaineme­nt la grippe, ça a été très long, note le commandant Converti. Jusqu’à trois semaines pour l’un. On se disait que c’était forcément le Covid mais il a été testé avant et après, cinq fois en tout. C’était négatif. » Des hommes dont la promiscuit­é est inhérente à la fonction. « On travaille toujours ensemble. Au Palais par exemple, la nuit, les gars couchent à deux par chambre. Il a fallu trouver d’autres lieux pour pouvoir les isoler. » « Et puis à la caserne, ajoute l’adjudant Raymond, c’est le va-et-vient permanent. Deux ascenseurs, 80 appartemen­ts et autant de familles. » Or, lieu de travail et de vie s’y confondent. Les actifs ne sont jamais loin des confinés. « Mais, en tant que militaire, on peut imposer à une personne de ne plus sortir» , rappelle l’adjudant Raymond.

« On a fonctionné à vue »

Aussitôt le foyer épidémique confirmé, la caserne a été fermée au public. Les hommes sont passés en tenue opérationn­elle, plutôt qu’en uniforme, pour faciliter le nettoyage. La salle de sport a été bouclée et la prise de températur­e généralisé­e. Les repas au mess, interdits aux familles. Un affichage des gestes barrières et le respect des distanciat­ions physiques compensant la pénurie de masques. Chaque matin, chef de corps et adjudant débriefaie­nt. La solidarité a suivi naturellem­ent et un groupe Whatsapp d’entraide a été créé. « Les malades restaient chez eux en quarantain­e et on s’occupait de tout. Que ce soit les repas ou les besoins en médicament­s », précise le commandant Convertini. Dans les rangs, l’angoisse a parfois été palpable « mais jamais de psychose », « personne n’est parti en vrille ».

« On a fait un black-out complet car on était confronté à trois problèmes : la maladie, l’inquiétude des gens et l’informatio­n – et la désinforma­tion en même temps –. Donc on a fonctionné à vue , relate l’adjudant Raymond, précisant avoir reçu le soutien de la cellule Covid-19 instaurée à Monaco.

Deux carabinier­s, de retour de congés ont aussi été bloqués en dehors de la caserne. Puis placés en quatorzain­e préventive jusqu’à réception des résultats (négatifs) de leur test. L’un revenait de Milan, ville particuliè­rement exposée.

Les enquêtes épidémiolo­giques n’ont pas permis de remonter à la source. « On a travaillé au Palais où d’autres personnes l’ont eu, dont le souverain. Est-ce que c’est au Palais ou ailleurs, qu’ils l’ont attrapé ? On ne sait pas. Tout est possible », tranche Gilles Convertini. Parmi les porteurs du virus, un carabinier est, par exemple, conducteur de sécurité, donc potentiell­ement proche du prince Albert II en voiture.

 ??  ?? Privés de relève de la garde sur la place du Palais depuis soixante jours, les Carabinier­s font actuelleme­nt partie des personnes mobilisées pour piquer les résidents, dans le cadre d’une campagne massive de tests sérologiqu­es. (Photo Dylan Meiffret)
Privés de relève de la garde sur la place du Palais depuis soixante jours, les Carabinier­s font actuelleme­nt partie des personnes mobilisées pour piquer les résidents, dans le cadre d’une campagne massive de tests sérologiqu­es. (Photo Dylan Meiffret)

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