Un foyer de Covid- résorbé chez les carabiniers du Prince
Au plus fort de la crise sanitaire, 17 des 124 membres de la Compagnie ont été sur le flanc à Monaco, dont trois finalement testés positifs au coronavirus
Ils ont tremblé mais ont fait corps, comme à leur habitude. Si une dizaine de couples doivent repasser des tests complémentaires (PCR et sérologique) ces prochains jours, les 124 carabiniers du Prince et leurs proches ont tous passé des tests sérologiques négatifs les 7 et 8 mai. Un soulagement car, au début du confinement, la garde rapprochée de la famille princière n’a pas été épargnée, au point de former, avec le Palais princier – où « plusieurs cas ont été recensés » –, les premiers foyers de contamination du pays.
Le 19 mars, deux jours après le début du confinement, et trois après l’annonce de la contamination du chef du gouvernement monégasque, Serge Telle, le prince Albert II était déclaré positif. Le lendemain, les premiers symptômes apparaissaient chez des carabiniers. Le premier cas officiel en Principauté étant à ce jour daté au 28 février. Celui d’un jeune résident britannique, depuis guéri, qui revenait de Lombardie.
« On était à la limite de l’hospitalisation »
« Les deux premiers malades ont eu des symptômes le 20 mars et confirmation des résultats des tests PCR dans les trois jours », rembobine le commandant Gilles Convertini. Un troisième cas suivra rapidement, puis son épouse, plus tardivement, poussant la famille à repartir pour une quarantaine. Leur fillette présentant également des symptômes.
« Entre les confinés préventifs et les collègues positifs, on est allé jusqu’à 17 carabiniers hors service au même moment », estime le chef de la Compagnie des carabiniers.
En charge du suivi de ces hommes, l’adjudant Denis Raymond a constaté la virulence du virus. «Onétaità la limite de l’hospitalisation pour deux en particulier. C’était assez bizarre au niveau des pics. Ils avaient deux jours de forte fièvre et puis ça partait quatre ou cinq jours, et ça revenait. » Et il est question de gaillards, dans la force de l’âge. « Entre 35 et 40 ans, costauds et sportifs avérés. »
« Même ceux qui n’ont pas eu le Covid, mais certainement la grippe, ça a été très long, note le commandant Converti. Jusqu’à trois semaines pour l’un. On se disait que c’était forcément le Covid mais il a été testé avant et après, cinq fois en tout. C’était négatif. » Des hommes dont la promiscuité est inhérente à la fonction. « On travaille toujours ensemble. Au Palais par exemple, la nuit, les gars couchent à deux par chambre. Il a fallu trouver d’autres lieux pour pouvoir les isoler. » « Et puis à la caserne, ajoute l’adjudant Raymond, c’est le va-et-vient permanent. Deux ascenseurs, 80 appartements et autant de familles. » Or, lieu de travail et de vie s’y confondent. Les actifs ne sont jamais loin des confinés. « Mais, en tant que militaire, on peut imposer à une personne de ne plus sortir» , rappelle l’adjudant Raymond.
« On a fonctionné à vue »
Aussitôt le foyer épidémique confirmé, la caserne a été fermée au public. Les hommes sont passés en tenue opérationnelle, plutôt qu’en uniforme, pour faciliter le nettoyage. La salle de sport a été bouclée et la prise de température généralisée. Les repas au mess, interdits aux familles. Un affichage des gestes barrières et le respect des distanciations physiques compensant la pénurie de masques. Chaque matin, chef de corps et adjudant débriefaient. La solidarité a suivi naturellement et un groupe Whatsapp d’entraide a été créé. « Les malades restaient chez eux en quarantaine et on s’occupait de tout. Que ce soit les repas ou les besoins en médicaments », précise le commandant Convertini. Dans les rangs, l’angoisse a parfois été palpable « mais jamais de psychose », « personne n’est parti en vrille ».
« On a fait un black-out complet car on était confronté à trois problèmes : la maladie, l’inquiétude des gens et l’information – et la désinformation en même temps –. Donc on a fonctionné à vue , relate l’adjudant Raymond, précisant avoir reçu le soutien de la cellule Covid-19 instaurée à Monaco.
Deux carabiniers, de retour de congés ont aussi été bloqués en dehors de la caserne. Puis placés en quatorzaine préventive jusqu’à réception des résultats (négatifs) de leur test. L’un revenait de Milan, ville particulièrement exposée.
Les enquêtes épidémiologiques n’ont pas permis de remonter à la source. « On a travaillé au Palais où d’autres personnes l’ont eu, dont le souverain. Est-ce que c’est au Palais ou ailleurs, qu’ils l’ont attrapé ? On ne sait pas. Tout est possible », tranche Gilles Convertini. Parmi les porteurs du virus, un carabinier est, par exemple, conducteur de sécurité, donc potentiellement proche du prince Albert II en voiture.