Les extras en détresse font un stand-up à Cannes
En tenue professionnelle, une centaine de ces travailleurs de l’ombre ont créé la surprise, hier matin, sur les allées de la Liberté. Debout, en silence, avec masque et message poignant
Au départ, c’était un projet de sit-in sur les marches symboliques du Palais des Festivals à l’arrêt depuis mi-mars. Et puis, par défaut d’autorisation, ils ont investi les allées de la Liberté. Un mot qui va bien à ces travailleurs de l’ombre. Efficaces mais discrets. Indispensables mais anonymes. Indépendants mais précaires. Les extras.
Hier matin, en plein Cannes, ville d’événements et de tourisme d’affaires, un damier en noir et blanc a créé la surprise peu avant 8 heures, face au vieux port. Une centaine de noeuds pap’, cravates, chemises blanches. Dignes. Silencieux. Masques sur le nez et distance de sécurité. Sans slogan scandé. Juste un appel au secours sur le coeur. « 20 ans d’extra, la précarité me tend les bras », « VTC extra bientôt au RSA », « Maître d’hôtel en perdition », « 40 ans de cotisation, zéro aide ». Et une grande banderole : « Ici reposent les extras de l’événementiel ».
« C’est du jamais vu »
Une mise en scène similaire à celle orchestrée hier à Paris par « ces intermittents de l’emploi » sur le Trocadéro. « On nous a oubliés. Nous, nous ne travaillerons pas avant mars 2021. Le Tax Free de fin septembre est déjà annulé », indique Luc Lecoupt, 47 ans, extra dans la restauration et VTC depuis 17 ans. C’est lui qui a eu l’initiative, avec quelques autres, de ce coup de projecteur cannois.
Ils sont hôtesses, chauffeurs, serveurs ou coordinateurs. « Certains sont déjà en fin de droits et doivent faire des dossiers pour obtenir le
RSA. C’est du jamais vu. » Dans leurs yeux, l’inquiétude. Celle de Philippe, 32 ans, barman en extra qui n’a aucun revenu depuis janvier et plus de droits. « On s’endette. Normalement, on travaille intensément de mars à octobre. Pour le Festival, on fait jusqu’à 180 heures en dix jours. » Celle de Marc, 58 ans, pessimiste : « Tant que l’activité internationale n’aura pas repris normalement, le tourisme d’affaires aura du mal à reprendre en France. »
La sous-préfète à l’écoute
Créée au début du confinement, la FMITEC (Fédération des métiers intermittents du tourisme événementiel et culture), qui fédère 300 extras, va s’employer à défendre leur cause.
Dans l’après-midi, un petit groupe d’extras a été reçu par la sous-préfète de Grasse, Anne Frackowiak Jacobs. « Très à l’écoute, elle a pris conscience de notre existence et compris nos spécificités qu’elle va faire remonter au ministre du Travail. Une nouvelle réunion est prévue jeudi prochain », glisse Luc Lecoupt, optimiste.
De son côté, le maire de Cannes, David Lisnard, a plaidé la cause des extras dans un récent courrier à Édouard Philippe, lui demandant de repousser à novembre 2021 la mise en oeuvre de la réforme.