Michel Boujenah : « Un homme debout »
Parfaitement rétabli du Covid, Michel Boujenah travaille à l’élaboration d’un Festival de Ramatuelle qui, « grâce à Dieu », aura bien lieu cet été. « On va tenir, on va le faire. Parce qu’il est important que cela continue. C’est quoi, ce monde où il n’y aurait plus d’artistes ? » En attendant, depuis sa maison de Saint-Paul où il nous répond, le comédien et humoriste pense à son ami disparu.
Avec émotion, puisqu’ils étaient devenus proches et se voyaient fréquemment.
Aviez-vous eu l’occasion de partager la scène avec Guy ?
À l’époque de la première Guerre du Golfe, nous avons joué un soir, Smaïn, Guy et moi, à l’Olympia.
Un truc unique, complètement délirant, on avait beaucoup ri. En s’échangeant nos textes. Guy et moi avions aussi fait quelque chose autour de la Tunisie. Plein de blagues sur scène, mais aussi dans la vie car on était devenus très proches.
Quel était votre lien ?
On s’aimait bien, on déjeunait, j’allais le voir en Corse. J’ai passé avec lui des moments merveilleux, je l’aime vraiment, beaucoup. Et s’il était là, Guy pourrait dire cette phrase que j’ai trouvée dans mon sommeil et qui m’est revenue ce matin : « C’est mieux de connaître des jeunes ; comme ça, quand on crève, ce sont eux qui pleurent. »
On voit vos points communs, mais votre humour était
diamétralement opposé…
Mais on n’aime pas seulement les gens qui nous ressemblent, on les aime d’abord pour ce qu’ils sont. Sinon, ce qu’on aime, c’est soi-même. Nous étions différents, mais Guy était touché par mon travail et j’étais en admiration devant le sien. On avait des points de divergence, bien sûr. En tout cas, ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord sur tout qu’on n’aime pas les gens qu’on aime ! Et lui en était la preuve vivante.
Qu’aimiez-vous tant chez lui ?
Ce que les gens ne savent pas, c’est à quel point cet homme était tendre, dans la vie, attentif aux autres. Et à quel point il était famille. Il en avait besoin, raison pour laquelle il n’a jamais été aussi heureux qu’en Corse, lorsqu’il avait ses enfants avec lui, sa femme, ses amis qui passaient.
Comment expliquer ce décalage entre la férocité de son humour et sa profonde bienveillance ?
Même dans ses textes, il y avait toujours cela. Comediante, tragediante ! Il ne faut pas oublier avec quelle violence il déchirait ses personnages, mais avec quelle intensité, dans le même temps, il les aimait. Guy Bedos, c’est un homme debout. Comme il était petit, beaucoup croyaient qu’il était assis. Mais non, toujours droit.