« Ça peut toucher l’immunité »
Faredj Cherikh, chef du service addictologie au CHU de Nice
Le docteur Faredj Cherikh est le chef du service addictologie au CHU de Nice.
Avez-vous noté une hausse des consultations pour addiction au « proto » ?
Il n’y a, à ma connaissance, pas d’augmentation de cas dans les services d’addictologie ou dans les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Mais cela concerne une population beaucoup plus jeune, c’est un produit de distraction, pour une population qui a peu de moyens.
Cet usage est-il un phénomène nouveau ?
Depuis quelque temps, il y a des alertes tous les ans sur l’utilisation de ce produit en drogue. C’est l’effet euphorisant qui est recherché. L’euphorie est comparable à une ivresse, avec des rires incontrôlables. Une sensation de flottement, et surtout une désinhibition. En boîte de nuit, en soirée, c’est principalement cela qui est recherché par les jeunes. L’effet est quasi instantané, la substance passe vite dans le sang et le cerveau. L’effet se dissipe très vite aussi.
Quels sont les risques ?
L’usage régulier et important peut entraîner des pertes de mémoire. On s’est rendu compte aussi qu’il pouvait y avoir des problèmes d’érection, des troubles de l’humeur, l’apparition de comportements de type paranoïaques et de la désorientation. A très fortes doses, chez certaines personnes cela entraîne des hallucinations, de la tachycardie, une baisse de la tension artérielle.
On est sur une palette d’effets psychologiques, neurologiques et cardiaques.
Et des effets encore plus graves ?
On peut redouter une paralysie des membres inférieurs, une diminution de la contraction des muscles. Et puis, ça amène une carence en vitamine B, et ce type de carence provoque des problèmes neurologiques. L’utilisateur peut subir une anémie, une fatigue chronique, une faiblesse immunitaire. C’est un message important et intéressant à faire passer actuellement en période d’épidémie. Un message de prévention : l’utilisation du protoxyde d’azote risque de toucher votre immunité.
Est-ce addictif comme les autres drogues ? Oui, il y a une problématique addictive. L’utilisateur peut avoir l’envie de renouveler l’effet pour rester dans un état d’euphorie. Et l’usage régulier peut donc induire des signes de manque : de l’agitation, des tremblements. Bien évidemment, on est sur des symptômes en cas d’usage très régulier, pas occasionnel.