Monaco-Matin

Dispensé de payer le quintuple de ses prêts

Au bout de douze ans de procédure, le juge de l’exécution a donné raison à un retraité de Cagnes à qui une banque réclamait 789 736 euros alors qu’il lui en avait emprunté 183 000

- LAURENT QUILICI lquilici@nicematin.fr (1) Nice-Matin des 18 octobre 2018,16 mars 2017 et 9 février 2011.

J’ai meilleur moral. Ma vie n’est pas finie. Je n’attends qu’une chose : que le jugement soit définitif, que je puisse vendre ma maison, trouver un deux-pièces et profiter des quelques années qui me restent. » Au bout de douze ans de marathon judiciaire, Jean-Claude Niel a enfin obtenu de la justice l’annulation de la somme faramineus­e que lui réclamait la Société générale. Elle s’élevait, il y a deux ans, à 789 736 euros, et continuait à augmenter, comme un cancer rongeant le retraité cagnois âgé de 85 ans et menaçant de lui coûter la saisie de sa voiture et de sa maison (1).

« Ce n’est que justice »

« Quand j’ai lu à mon avocat le jugement que j’avais reçu, il en pleurait. Cela fait douze ans qu’il se bat avec moi devant les tribunaux. » « Ce n’est que justice, estime Me Paul Guetta, le défenseur du retraité, heureux d’avoir enfin obtenu gain de cause pour son client. Jean-Claude Niel a versé à la banque une grande partie de sa retraite. Il est âgé, il a de graves problèmes de santé, il ne possède rien en dehors de sa vieille Twingo et de la maison où il habite. »

Le Cagnois a remboursé à la banque plus de 200 000 euros pour ses emprunts initiaux d’un total de 183 000 euros.

Par un jugement du 19 mai, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse a estimé prescrites les créances résultant des prêts consentis par la Société générale à Jean-Claude Niel. Comment la banque en estelle arrivée à réclamer au retraité plus du quintuple de la somme qu’elle lui avait prêtée au départ ?

En 1987, Jean-Claude Niel avait emprunté 706 000 francs (environ 107 000 euros) dans le cadre d’un prêt immobilier pour acheter sa maison. Puis, en 1989, il avait emprunté à nouveau 500 000 francs (équivalent de 76 000 euros), mais cette fois à titre profession­nel. Hélas, en 1991, sa société était liquidée, il perdait son emploi et devait réduire ses remboursem­ents à 1 000 euros par mois en les étalant sur une durée plus longue. Mais la banque avait inclus, dans les deux contrats de prêt, une clause d’« anatocisme », c’est-à-dire de capitalisa­tion des intérêts. Une véritable inflation sans fin : les intérêts dus sur le capital non remboursé sont intégrés au capital et viennent le gonfler, produisant à leur tour des intérêts, et ainsi de suite…

Marathon judiciaire

L’affaire était allée plusieurs fois en appel et deux fois jusqu’à la Cour de cassation qui avait donné raison à la Société générale en 2017 sur un point : elle avait reconnu l’anatocisme pour le prêt profession­nel.

Mais cette fois, le juge de l’exécution a tout simplement estimé nulle la tentative de saisie des biens de Jean-Claude Niel, en 2018, parce que le procès-verbal de saisie-attributio­n de la banque ne séparait pas les décomptes des deux prêts alors que la loi l’exige. Le juge de l’exécution a également estimé prescrites les créances liées aux deux prêts en applicatio­n de la loi du 17 juin 2008. Au-delà d’une certaine durée, la banque ne peut plus faire valoir ses droits.

Finie la saisie, finies les créances, Jean-Claude Niel voit donc enfin le bout de son calvaire. Et va peut-être, enfin, pouvoir vivre sereinemen­t le restant de ses jours. À moins que la Société générale ne fasse appel du jugement. Mais cela risquerait de passer pour de l’acharnemen­t et la banque a de grandes chances d’être retoquée.

 ?? (Photo L. Q.) ?? La menace de la saisie semble s’éloigner pour JeanClaude Niel, ici devant sa maison hypothéqué­e.
(Photo L. Q.) La menace de la saisie semble s’éloigner pour JeanClaude Niel, ici devant sa maison hypothéqué­e.

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